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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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charpentier, à
Nazareth, en Galilée.
    — Jésus. Pardonne-moi, je n’avais pas
bien compris. Eh bien, Jésus, notre repas est le tien. Sers-toi donc. »
    Jésus se précipita sur ce qu’on lui tendait, jusqu’à
ce qu’il s’étrangle et soit pris d’une longue quinte de toux.
    « Doucement, doucement, lui dit Judas. Ne
sais-tu pas qu’il faut après le jeûne ne se remettre à manger qu’un petit peu à
la fois ? Ta goinfrerie risque de te tuer, et il n’est pas sûr que ta
sainteté soit encore suffisante pour le supporter. »
    Les trois hommes rirent.
    « Finis ton repas, l’ermite, et va t’allonger.
Nous avons une ou deux couvertures supplémentaires, si tu le souhaites. »
    Jésus grignota encore quelques bouchées de
viande, avala deux figues, s’excusa d’être un aussi piètre compagnon et partit
se coucher. Quand Judas voulut lui porter la peau de mouton qu’il lui avait
promis, il dormait déjà.
    Le lendemain, il était le premier levé. La
fatigue avait disparu de ses traits, et Judas se réveilla en entendant le crépitement
du feu qu’il avait ranimé. Par une déchirure de son manteau, il vit sur son
flanc plusieurs traces de coups et de griffures, comme s’il s’était battu.
    « Eh bien, l’ermite, il semble que tu
aies récupéré rapidement.
    — Je ne suis pas réellement un ermite.
    — Et qu’es-tu donc ?
    — Si je le savais moi-même, je te le
dirais volontiers. Pour toi, je serai Jésus. C’est aussi simple, non ?
    — Va pour Jésus. Vers où te dirigeais-tu,
Jésus ?
    — Chez moi, en Galilée…
    — Reste avec nous deux ou trois jours si
tu veux, le temps de récupérer pleinement. »
    À peine son invitation proférée, Judas se
demanda pourquoi il l’avait faite. S’encombrer d’un fou du désert n’avait rien
de judicieux, mais le regard du pauvre hère debout devant lui avait quelque
chose de troublant.
    « Je te remercie, homme. C’est volontiers
que j’accepte. À une condition cependant…
    — Laquelle ?
    — Que tu me dises ton nom. Je ne vais pas
passer ces trois jours à t’envoyer de solennels “homme”. »
    Il éclata d’un rire cristallin, pur, qui monta
dans le ciel.
    « Puisque te voilà dans ces excellentes
dispositions, que dirais-tu d’aller chasser ? N’ayant pas ta grandeur d’âme,
je t’avouerai que le miel sauvage et les sauterelles me lassent assez vite. C’est
ce que tu as mangé pendant tes quarante jours ?
    — Surtout des sauterelles. Rôties, c’est
tout à fait mangeable. Bouillies, c’est absolument sans goût.
    — Tu sais te servir d’un arc ?
    — Pas très bien, mais je peux essayer. »
    Il prit l’arc de Gamaliel que lui tendait
Judas, en ploya la branche, posa la flèche en équilibre sur son doigt pour voir
si elle était correctement lestée.
    Il fallut un moment
avant que le silence entre les deux hommes ne soit rompu. Jésus marchait, le
regard fixé sur l’horizon, à l’affût du plus petit signe indiquant la présence
de gibier : déjà deux perdrix blanches et un renard avaient fui devant eux,
sans qu’ils eussent réussi à les attraper.
    « Où était donc ta retraite ? demanda
enfin Judas.
    — Là-haut, sur la montagne. »
    De la main, Jésus désigna la lourde masse
blanche.
    « Je suis passé par là, et suis monté en
haut. »
    Il montrait la coupure du torrent.
    « Tu es resté tout ce temps ? »
    Judas n’était monté qu’une fois dans cette
zone, l’une des plus sauvages du désert de Judée, pour se rendre avec Nathanaël
au petit monastère où était mort le dernier des Maccabées. Seul l’aboiement des
chacals avait accompagné leur montée. Là, glacé par le froid et effrayé par la
rudesse du paysage qui l’entourait, il avait senti en lui aussi forte que la
pierre sa détermination de se battre, quitte à en mourir comme l’avait fait ce
Simon à qui il était venu rendre hommage.
    « Comment es-tu venu là ? »
continua-t-il. Ses souvenirs lui faisaient comprendre par quelle austérité son
compagnon avait pu être séduit, et il se sentit plus proche de lui.
    « Puis-je te faire confiance ?
    — Pourquoi ne le pourrais-tu pas ?
    — Il faut que j’aille vers les gens, que
je leur parle. Cela m’effraie. Tu es le premier à qui je devrais parler et, au
lieu de le faire, je reste muet, n’osant rien te dire.
    — Cela augure effectivement mal de ta
carrière de prédicateur. »
    Judas laissa échapper un petit rire, que

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