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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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la
détresse qu’il lut dans les yeux de son compagnon lui fit immédiatement ravaler.
    « Excuse-moi, cela m’a échappé. Je n’ai
jamais été très porté sur les prédications. Mais raconte, si cela doit te faire
du bien. Je ne te promets pas de te croire, mais je te jure de t’écouter. »
    Jésus eut un pauvre sourire.
    « J’ai passé quarante jours en tête à
tête avec le démon. » La phrase ne surprit pas Judas, à qui sa
fréquentation récente des prêcheurs en avait fait entendre d’autres.
    « Pendant quarante jours et quarante
nuits, j’ai veillé et j’ai jeûné. Trois fois, le démon a voulu me tenter :
il m’a offert de changer les pierres du désert en pain quand j’ai eu faim. Il m’a
emmené au Temple, et m’a proposé de me jeter en bas pour prouver que Dieu
pouvait me sauver. Du sommet de la montagne, il m’a promis tous les royaumes du
monde si je me prosternais devant lui. J’étais tenté, ô mon Dieu, j’étais si
atrocement tenté… Mais je n’ai jamais cédé. Au bout de quarante jours, il est
parti, et je suis redescendu vers le désert. C’est là que je vous ai trouvés. »
    La sincérité totale et l’extrême souffrance de
l’homme interdirent toute nouvelle ironie à Judas.
    « Et maintenant ? Dois-tu aller
raconter cette expérience aux foules ?
    — Je suppose, mais ma mission n’est pas
claire. J’espère que je ne défaillirai pas au moment de m’exprimer. »
    Ils continuaient à monter. Une brume de
chaleur les accompagnait, et ils avaient tous les deux ramené leur keffieh sur
leur tête. Au bout d’un moment, ils s’assirent face au panorama. Le soleil
surgissait derrière le mont Nébo, chassant les dernières ombres. Le Jourdain, qu’il
teintait d’une lueur d’argent, glissait comme un fil sur la vallée. L’horizon s’étirait
vers les bouquets d’oliviers qui indiquaient le chemin de Jérusalem.
    « Un de tes pairs m’a récemment
impressionné. Un certain Jean, dont tu as forcément entendu parler. Sa renommée
est grandissante et des pèlerins viennent jusqu’au fleuve pour le rencontrer. On
l’appelle “le Baptiste”, parce qu’il plonge ses fidèles dans l’eau du Jourdain.
    — Je connais ce Jean.
    — C’est vrai ? Son discours t’a
séduit ? J’y ai trouvé plein de choses passionnantes, même si tout ne m’a
pas convaincu. Je n’ai pas très bien compris ce que ce baptême a de si nouveau.
Nous avons déjà nos rites de purification. Essaie de faire entrer un pharisien
au Temple sans l’avoir aspergé ou demande-lui de se laver après une cérémonie
avec de l’eau tirée dans un récipient impur, et tu verras…
    — Tous ces rites sont sans doute
excessifs, concéda Jésus. Mais celui du Baptiste n’est pas une simple
purification. Il va beaucoup plus loin. Il est unique, définitif. Il remet les
péchés.
    — Voilà qui est bien. C’est tous les
jours le jour du pardon avec lui ?
    — À condition d’éprouver un repentir
sincère et d’avoir la farouche volonté de ne pas retomber dans le péché, même
si nos faiblesses nous y poussent.
    — Ah, nos faiblesses… »
    Judas sourit.
    « On peut donc aimer Dieu sans aller à
Jérusalem et sans payer des taxes aux prêtres ? Ça ne va pas faire que des
amis à ton prêcheur. Mais cela me rend Dieu plus sympathique : être
accessible sans taxes…
    — Ne te moque pas ! Ce que dit Jean
est effectivement un défi lancé au Temple. Mais il en faudrait bien d’autres
pour que le Temple plaise à Dieu. Du moins au Dieu que je respecte. »
    Alors, soudain, Judas reconnut Jésus.
    « Mais, bon sang… Tu étais là, l’autre
jour… C’était même toi… Celui qu’il a appelé, par qui il a voulu être à son
tour baptisé. C’était toi, bien sûr ! Comment ne t’ai-je pas reconnu plus
tôt ? »
    Comment plutôt le reconnaissait-il maintenant,
tant il l’avait à peine aperçu ? La question ne l’effleura pourtant pas.
    « Hein, c’était bien toi ?
    — C’était moi, confessa Jésus.
    — Et que t’a-t-il dit exactement ? J’ai
assisté à la scène, mais je n’y ai pas compris grand-chose. Le soleil tapait
dur, et j’avais déjà écouté son discours deux heures durant…
    — Ce n’était pas le soleil. Moi-même, je
n’ai pas bien compris. Je connais un peu Jean. Il est le fils de la cousine de
ma mère. Enfant, nous avons beaucoup joué ensemble. Mais cela faisait des
années que je ne l’avais pas

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