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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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l’eau et le repentir. Lui vous
baptisera dans le feu et l’Esprit saint. Je ne suis pas digne de dénouer ses
sandales. »
    Des grognements s’élevèrent. Les fidèles de
Jean l’entouraient, s’apprêtant à faire subir un mauvais sort au nouveau venu. Mais
le prêcheur les retint.
    « Je vous le dis : celui-ci est l’envoyé
de Dieu. Je ne suis pas digne de le baptiser. C’est à moi au contraire de
recevoir l’eau de sa main. »
    Le nouveau semblait interloqué.
    « Que dis-tu, Jean ? Je suis ton
cousin, le fils de Joseph. Ne me reconnais-tu donc pas ? Nous avons joué
tant de fois ensemble, avant que tu ne quittes tes parents. Je suis simplement
venu recevoir ton baptême, et te retrouver. Je ne comprends pas ce que tu dis. Accorde-moi
le sacrement, comme tu l’as fait pour ceux qui t’étaient inconnus. »
    L’homme se dévêtit, entra dans l’eau. Jean fit
alors une coupe de ses mains et, sans oser l’immerger, lui en versa quelques
gouttes sur la tête. Ce dernier s’inclina, comme s’il le remerciait puis, sans
dire un mot, il repartit. Les disciples aussitôt assaillirent Jean, qui, encore
sous le choc, fut obligé de s’aider de roseaux pour regagner la rive.
    « Mais qui est cet homme ? Qu’as-tu
dit ? Doit-il te succéder ?
    — Il est l’agneau de Dieu, celui qui
enlève le péché du monde », se mit soudain à crier Jean.
    Déconcertée, la foule se dispersa. Les
disciples du Baptiste tentaient encore d’obtenir de lui des indications sur
celui qu’il avait si mystérieusement distingué. L’homme qui portait
habituellement ses tablettes les avait même déposées par terre, et remuait les
bras avec véhémence.
    Judas s’en retourna lui aussi, vaguement déçu.
Il y avait bien dans la violence, l’ardeur du prophète, des choses à prendre. Mais
ce renversement final, cette espèce de passation de pouvoirs (s’il avait bien
compris ce qui s’était passé) lui laissait un goût de malaise. Ne rendait-elle
pas bien fragile l’aide qu’il pouvait espérer du prédicateur ?
    Les deux jours qu’il
passa encore à écouter prêcher le Baptiste le confortèrent dans cette idée. Sa
virulence et l’audace avec laquelle il s’en prenait à Hérode ne suffisaient pas
à lui inspirer confiance. Tout cela pouvait n’être qu’un feu de paille : trop
de violence, trop de répétitions… Jean était un imprécateur doué, mais il ne
pouvait sans doute pas être un vrai chef.
    Judas décida de remonter le long du fleuve, puis
de prendre la route de la Décapole, en passant par Sichem et Scythopolis, se
résignant à nouveau à arpenter la Samarie. Il marcha beaucoup, rencontra près
de Sichem un autre groupe de baptistes appelé « les plongeurs du matin »,
passa une journée avec eux. Mais leurs manies de prendre un bain
quotidiennement et de discourir ensuite des heures sur l’hygiène et la pureté
lui parurent très vaines, sans que leur vie ait pour autant le charme de celle
des esséniens.
    Il traversa vite par Sébaste, à laquelle
Hérode avait donné le nom d’Auguste en grec, et se dirigea vers l’oasis de
Yenin. Sur la route, trois prédicateurs réunissaient une cinquantaine de
personnes (mais quelle autre distraction offrait les villages qu’ils
traversaient ?) et prétendaient sans l’avoir beaucoup prouvé répandre sur
leur chemin de nombreux miracles. Aucun ne lui plut. Le premier se contentait d’insister
lourdement sur les obligations rituelles, voyant dans leur seul respect jaloux
la chance d’Israël. Le second était accompagné d’une troupe de jeunes filles, dont
Judas crut comprendre qu’elles ne faisaient pas que lui laver son linge, et
partait dans des développements dont l’obscurité faisait gronder la foule. Le
troisième était beaucoup plus intéressant, même si son langage déroutait
fortement son public. Judas le rencontra à Yenin, où il prêchait de caravane en
caravane, profitant du délassement des voyageurs pour leur imposer ses idées. Face
à un groupe de marchands occupés à desseller leurs chameaux et parfaitement
indifférents, il s’étendit sur le fait que l’âme humaine, morceau de la
divinité, était l’orbe où se concentraient les rayons du monde, reliés à l’infiniment
grand. Tombée du ciel avec la création, cette malheureuse âme n’avait plus qu’à
y remonter, ce à quoi elle s’employait d’ailleurs. Judas reconnut là plusieurs
des thèmes néopythagoriens autour desquels il

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