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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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perdu une miette de leur conversation. Regardez… mes pauvres mains, mes bras… une affreuse maladie ramenée d’Terre sainte… pour défendre notre Seigneur…
    L’homme au regard vif et calculateur avait tendu les bras et relevé ses manches de chainse. La peau à vif était rongée de cloques suppurantes.
    — Veux-tu travailler ? s’était enquis Hardouin, ironique.
    — Oh, j’le souhaiterais tant, messire, plus que tout… mais c’te maladie attrapée pour la gloire du Sauveur… j’ai des faiblesses de membres… et m’sens aussi faible qu’une vieille femme…
    — Et aussi fainéant qu’un loir ! Quant à ta maladie de peau, cesse donc de te frotter de suc d’angélique 4 ou de garou 5 , elle devrait bien vite disparaître. Pousse-toi, l’homme, tu me chauffes la bile ! Tiens tes mains où je peux les voir et ne t’avise pas de les approcher de ma bourse de ceinture. Je fais un fort mauvais pigeon !
    L’autre lui avait jeté un regard hargneux avant de se reculer.
    Bernadine, d’abord très désireuse de former Sidonie au service domestique, s’était peu à peu agacée de ce qu’elle avait bien vite nommé « sa lenteur de jugeote ». Certes, la très jeune fille ne renâclait pas à la besogne, mais son visage dépourvu d’expression, son regard vide lorsqu’on lui adressait la parole donnaient le sentiment qu’elle n’écoutait pas ou se moquait de ce que l’on pouvait lui dire.
    À vrai dire, un mois plus tard, Hardouin cadet-Venelle ne savait qu’en penser. Sidonie était-elle véritablement d’intelligence très limitée ou errait-elle dans un monde personnel, peuplé des fantômes déplaisants de son passé ?

    Lorsqu’il pénétra dans la cuisine, il trouva la grande fille sans grâce debout devant la longue table. Figée, elle scrutait le paquet apporté par un messager de messire de Tisans. Sans même tourner la tête, elle déclara entre ses dents :
    — C’t’important. C’qu’y a là-d’dans, c’t’important.
    Hardouin cadet-Venelle vérifia d’un regard : le sceau du sous-bailli était intact. Pourtant, il demanda :
    — Tu en as pris connaissance ?
    — J’sais pas lire, et pis j’l’aurais point ouvert, balança-t-elle d’une voix cassante. Mais c’t’important. Bon, faut qu’j’aille plumer les deux volailles du demain. Hochant la tête, elle bougonna : sole ou lime, c’est plat tous deux et du pareil !
    Elle disparut sans un autre mot. Une étrange sensation envahit cadet-Venelle. Un peu comme lorsqu’on découvre un objet à un endroit alors que l’on est certain de l’avoir rangé ailleurs.
    Il rompit le sceau et dégagea la toile de jute qui serrait le paquet. Des carnets à fine couverture de peau noire. De minces carnets de procès dans lesquels étaient consignées les plaidoiries, lorsqu’il y en avait eu, les aveux arrachés ou non sous la torture, les interrogatoires, les témoignages. Tous trois étaient consacrés à l’affaire de « Évangeline Caquet, meurtrière de la femme Muriette Lafoi, ce 16 mai de l’an de grâce 1300 », ainsi que le précisaient leurs pages de garde, tracées d’une écriture cursive 6 peu lisible mais régulière.
    Le premier carnet commençait par une description du cadavre affreusement tailladé à coups de hachette à bois de Muriette Lafoi, de son visage méconnaissable, précisant qu’Évangeline Caquet, orpheline recueillie, avait été retrouvée chantonnant, couverte de sang, avachie à côté de sa défunte maîtresse. La fille Caquet était décrite comme simple et de visage disgracieux portant la marque de l’abrutissement. Hardouin cadet-Venelle fouilla sa mémoire : de quelle couleur étaient ses cheveux, ses yeux ? Étrangement, le visage de Sidonie s’imposa à lui.
    C’t’important. C’qu’y a là-d’dans, c’t’important.
    Sidonie ne pouvait être qualifiée de simple d’esprit, bien que fort lente ou peut-être inattentive. Pourquoi était-il tombé sur elle, ce soir-là, en descendant le porche de l’église de Mortagne ? Pourquoi avait-il pris le temps de lui parler ? Pourquoi lui avoir offert un emploi ? Tout ceci bien avant qu’Arnaud de Tisans ne ravive son souvenir au sujet de l’exécution d’Évangeline Caquet. Diantre ! Commençait-il à voir des signes partout ? Ou, de fait, sa vie était-elle maintenant guidée par une sorte de projet auquel il ne comprenait goutte ? Il redouta presque que la deuxième hypothèse s’avère

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