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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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demeurée là, tenant la main de la défunte.
    Hardouin cadet-Venelle soupira. S’il se fiait à ce qu’il venait de parcourir, rien ne prouvait qu’Évangeline Caquet ait tué Muriette Lafoi. L’inverse non plus. Cependant, à l’instar du sous-bailli, il doutait que la grosse fille lente d’esprit, qui semblait dénuée de méchanceté, ait pu commettre un acte d’une telle sauvagerie. Il se souvenait nettement de sa dernière phrase, en fait la seule qu’elle eût prononcée au cours de son procès, alors que le juge la harcelait une dernière fois dans sa geôle, juste avant que lui, M. Justice de Mortagne, ne lui lie les mains dans le dos pour la mener vers la fosse creusée afin qu’elle y soit enterrée vive :
    — Pourquoi avez-vous emprunté cette hachette ? Pourquoi la ramener à la maison ? Vous avez prétendu que vous vous en serviez afin d’occire les carpes.
    Évangeline Caquet, affolée par ce débit trop rapide pour elle, avait froncé les sourcils, hochant la tête vivement, son éternel sourire niais 10 aux lèvres. Ne comprenant pas, s’attachant au seul mot qui lui évoquait quelque chose de précis « carpes », elle avait bafouillé d’une voix lourde de salive :
    — J’vous jure… j’fais point d’mal aux carpes… gentilles carpes… mais… faut ben les manger… J’les tue mais crient pas… j’fais d’mal à personne… Non-non… personne, personne… gentilles carpes…
    Il lut ensuite les déclarations du veuf prétendument éploré mais très vite remarié, l’officier briseur, Garin Lafoi, corroborées par une domestique qui servait le couple depuis son mariage, une certaine Madeleine Fromentin. Rien n’avait été dérobé dans la maison, ni les bijoux de la maîtresse, dont quelques très jolies bagues aisément monnayables, ni aucun petit objet précieux, pas plus que les quelques deniers que Muriette Lafoi conservait dans sa chambre afin de régler un livreur ou un homme de peine, engagé à la journée pour un gros travail.
    Le juge en avait donc déduit que l’hypothèse d’un vagabond surpris pendant ses larcins ne se justifiait pas, une déduction sensée.

    Hardouin cadet-Venelle passa au dernier carnet, celui qui regroupait les différents témoignages, dont ceux qui avaient envoyé Évangeline Caquet, quatorze ans 11 , à la mort. Des annotations en rotunda se mêlaient parfois à l’écriture cursive. Il comprit vite que la main du sous-bailli les avait tracées, afin d’ajouter de nouvelles précisions.
    Une jeune servante, Adèle Sarpin, y affirmait sous serment qu’Évangeline détestait la femme Muriette Lafoi. Elle certifiait l’avoir entendue maintes fois se plaindre de leur maîtresse, de son avarice et du peu de nourriture qu’elle leur offrait en échange de leur lourd labeur. Elle se souvenait même qu’une fois elle avait surpris Évangeline dans la cuisine, abattant d’un geste hargneux un grand couteau sur une saucisse de sang 12 en s’exclamant : « Prends ça, bourrique ! » Lorsque Adèle lui avait demandé qui elle maltraitait de la sorte, Évangeline avait fini par admettre : « C’te vilaine peau d’Lafoi. » L’écriture en rotunda précisait :
    « À l’instar des deux autres serviteurs à charge, Adèle Sarpin n’a pas suivi le maître lors de son déménagement à Nogent-le-Rotrou et de son remariage. Au contraire, elle a épousé le fils d’un riche vivandier, un certain Louis Baubette, ce qui supposait une dot. Le couple demeure aujourd’hui à Brunelles. »
    La cursive chargée reprenait ensuite : l’homme de peine de la maison, Éloi Talon, ancien soldat, avait juré sur les quatre Évangiles, qu’il touchait de sa main, avoir accompagné son maître pour visite des terres. Partis dès l’aube, ils n’étaient rentrés qu’au soir échu et avaient découvert l’horreur. Le sous-bailli, sans doute, était à nouveau intervenu en marge de page : « Éloi Talon s’est installé à Saint-Pierre-la-Bruyère, peu après le procès bâclé, comme saucissier, en rachetant donc un étal. Là encore, avec quel argent ? » La transcription des témoignages se poursuivait : Alphonse Fortin, serviteur, avait attesté, toujours sous serment, que la simple Angeline était venue lui emprunter la hachette, le matin du meurtre, au prétexte de décapiter des carpes. Il lui avait fait promettre de la lui rapporter bien vite et puis avait oublié. Arnaud de Tisans avait précisé de sa belle

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