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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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ça ? Avant ton troisième cruchon ?
    Hardouin lança à ses pieds le large trousseau de clefs et sortit.

    La femme, la mère en larmes, dans son vilain mantel usé jusqu’à la trame, l’attendait. Elle se précipita vers lui, n’osant poser la question qui lui brûlait les lèvres. Il expliqua d’une voix très douce :
    — Gaspard est en grande paix aux côtés de Son Sauveur. Il n’a pas vu, pas senti la mort venir. Priez pour nous.
    Elle bafouilla des remerciements en lui tendant à nouveau son pauvre mouchoir dans lequel étaient serrés quelques deniers, une fortune pour elle. Il secoua la tête en signe de dénégation.
    — J’ai déjà été payé au centuple. Un souffle tiède.
    Il s’éloigna à longues enjambées, laissant la femme dévastée mais soulagée.
    1 - Environ l’équivalent de 160 litres, un des avantages en nature fréquemment concédés au bourreau.

    2 - Jars.

    3 - Pain grignoté par les rongeurs qui se vendait très peu cher.

    4 - À l’origine, il s’agissait d’une boisson faite d’eau et du marc de raisin, après récupération du vin. Le mélange était parfois sucré de miel et laissé à fermenter. Par extension, le terme a ensuite désigné un mauvais vin aigre.

XXVII
    Citadelle du Louvre, octobre 1305
    E mile Chappe transpirait à grosses gouttes en dépit de la désagréable fraîcheur humide qui régnait en permanence dans la rébarbative citadelle qu’aucune saison ne parvenait à réchauffer. Il avait plaqué la main sur sa bouche, terrorisé à l’idée que son souffle heurté ne s’entende. Son cœur s’emballait et son sang cognait dans les artères de son cou. Il tentait de lutter contre les visions d’épouvante qui s’imposaient à lui, lorsqu’il imaginait le sort qui lui serait réservé si on le découvrait dans sa cachette.

    Un huissier lui avait remis la veille le rouleau d’une courte missive rédigée de la main de messire Adelin d’Estrevers et adressée à Mgr Charles de Valois.
    Le gros Charles à mol menton, ainsi qu’Émile l’appelait depuis qu’il avait décidé de le trahir, avait tardé à en rompre le sceau de cire au point que le jeune homme qui le surveillait de regards furtifs avait cru en périr d’impatience. Enfin, Mgr avait pris connaissance du message et s’était laissé choir sur sa forme 1 surélevée. Étant court de taille, le gros Charles affectionnait les marques de royauté, surtout lorsqu’elles le faisaient paraître plus grand. Il avait posé ses petites mains carrées sur son ventre bedonnant, enfonçant encore davantage son absence de menton dans le gras de son cou, l’air songeur mais satisfait.
    De déroutante façon, Émile, qui avait jusqu’alors vénéré le frère du roi, en qui il voyait une seconde incarnation du pouvoir, une escabelle de nature à lui assurer belle carrière et les deniers allant avec, se sentait aujourd’hui une hargne vipérine à son endroit. Charles ne lui avait pas offert ce qu’il convoitait, ce pour quoi il était prêt à vendre son âme.
    Pis, il avait oublié son prénom et le jeune secrétaire l’avait pris en exécration. Maintenant, il allait enfin servir un homme d’extrême puissance, qui lui en saurait gré, messire de Nogaret. Celui-ci se parait donc de toutes les vertus qu’il venait de retirer à Charles de Valois. Dieu, qu’il était fat, gras et benêt, celui-là !
    Émile avait espionné en prudence, attendant que Mgr de Valois quitte sa salle d’études, dans laquelle il n’étudiait guère, se contentant d’y recevoir les flagorneurs qu’il adorait et de se rincer copieusement le gosier de vins fins. Le moment était enfin arrivé. L’estomac du frère du roi exigeait d’être gavé et Charles ne plaisantait jamais avec sa panse.
    Dès la double porte sculptée refermée derrière lui, Émile s’était précipité vers la table de travail afin de prendre connaissance de la missive. Adelin d’Estrevers, grand bailli d’épée du comté du Perche, avait écrit d’une main sèche :
    « Monseigneur,
    Notre affaire avance, à votre satisfaction, je le pense et surtout l’espère.
    À votre ordre, je me permettrai de vous venir visiter et rendre compte au demain matin de cette lettre par vous reçue, pour mon bonheur et mon honneur.
    Votre très dévoué, très respectueux et très obéissant,
    Adelin d’Estrevers. »
    Émile Chappe avait senti la chance enfin de son côté. Dès laudes, il avait pénétré dans la salle

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