Le bûcher de Montségur
parfaits où sa vocation était longuement éprouvée ; c’était une sorte de période de noviciat, et il arrivait qu’à la fin de cette épreuve préparatoire le postulant se voyait refuser l’accès au consolamentum , si ses maîtres n’étaient pas sûrs de sa persévérance. S’il était jugé digne, il était présenté à la communauté qui devait l’élire, et se préparait au jour de sa consécration par de longs jeûnes, des veilles et une incessante prière.
Le jour venu, le postulant était introduit dans la salle commune où se réunissaient les fidèles – les cathares n’avaient pas de temples, et officiaient dans des maisons de particuliers, mais dans les villes, ils avaient leurs maisons à eux, spécialement consacrées au culte, à l’enseignement et aux soins des malades ; dans ces maisons ils vivaient en communauté, chaque parfait devant faire abandon de ses biens à l’Église. Les grandes villes comptaient en général plusieurs de ces « maisons des hérétiques ».
La salle où les fidèles se réunissaient pour la prière ne contenait aucun signe extérieur du culte. Les murs devaient en être nus, généralement peints à la chaux, le mobilier aussi simple que possible : quelques bancs, une table recouverte d’une nappe d’une blancheur immaculée, sur laquelle est posé le Livre, c’est-à-dire l’Évangile. Des essuie-mains, blancs également, sont aussi disposés sur cette table qui sert d’autel, et sur une autre table où sur un coffre se dressent une aiguière et une cuvette pour le lavement des mains. Seul ornement de cette salle austère, d’innombrables cierges blancs sont allumés, pour symboliser les flammes du Saint-Esprit descendu sur les apôtres le jour de la Pentecôte. En présence d’une assistance composée de croyants fidèles, le nouveau postulant est mené vers la table devant laquelle se tiennent les ministres du culte chargés de le recevoir, diacres ou simples parfaits, vêtus de leurs longues robes noires, symbole de leur séparation du monde. Le parfait qui officie et ses deux assistants se lavent les mains, afin de pouvoir toucher le texte sacré. La cérémonie commence.
L’officiant explique au postulant les dogmes de la religion qu’il va embrasser et les obligations auxquelles il devra se soumettre. Ensuite, il récite le Pater , en commentant chaque phrase, que le postulant devra répéter après lui. Ensuite, le futur parfait doit abjurer solennellement la foi catholique dans laquelle il avait été élevé, et demande, en se prosternant trois fois, le droit d’être reçu dans la vraie Église. Il doit « se rendre à Dieu et à l’Évangile ». Il promet de ne plus manger désormais de viande, ni d’œufs, ni d’aucune nourriture d’origine animale, de s’abstenir à jamais de tout commerce charnel, de ne plus jamais mentir ni prononcer de serment, et de ne pas renoncer à sa foi par crainte de la mort par le feu, par l’eau ou de toute autre mort. Ensuite, il fait publiquement l’aveu de ses fautes et demande le pardon de l’assistance. Une fois absous, il doit renouveler solennellement les engagements qu’il vient de prendre. Là seulement, il est prêt à recevoir l’Esprit.
Le sacrement s’accomplit au moment où l’officiant place le texte sur la tête du postulant et où lui et ses assistants imposent les mains sur le futur parfait en priant Dieu de le recevoir et de lui envoyer l’Esprit Saint. Cet instant fait de l’homme une créature nouvelle, il est « né de l’Esprit ».
L’assistance récite à haute voix le Pater , l’officiant lit ensuite les dix-sept premiers versets de l’Évangile de Jean : « Au commencement était le Verbe…» Puis il récite de nouveau le Pater .
Le nouvel élu reçoit le baiser de paix de l’officiant d’abord, de ses assistants ensuite. Il transmet ce baiser de paix à la personne de l’assistance qui se tient le plus près de lui, et cette salutation fraternelle, tel un flambeau qui passe de main en main, fait le tour de toute l’assistance jusqu’au dernier des fidèles présents. Si le postulant est une femme, le baiser de paix est remplacé par un geste plus symbolique : l’assistante touche l’épaule de la nouvelle parfaite avec l’Évangile et lui touche le coude avec le coude.
Le nouveau « consolé » portera désormais l’habit noir de ses frères, il sera un « revêtu », il ne devra plus quitter cet insigne visible de sa nouvelle
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