Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
Vom Netzwerk:
des âmes, voluptés de porcs gras, repaires d’esprits immondes », etc., on sent urne véritable horreur de la femme en tant que femme, éternel piège du Démon. Une condamnation à peine voilée et systématique de la chair et du mariage entraîne la négation implicite d’un monde où toute vie, à commencer par les herbes des champs, est soumise aux lois de la procréation. Quand les prêtres catholiques professaient, à l’encontre des cathares, qu’un homme peut être sauvé dans le mariage, ils ne le faisaient que par indulgence pour la faiblesse humaine. Or, nous allons le voir, il en était de même pour les cathares.
    Si la vie, aux XI e et XII e  siècles, a connu un magnifique essor de l’art et de la civilisation, si elle semble avoir été, même parmi les pires misères, débordante d’intense et profonde joie de vivre (car les peuples étaient jeunes), on ne peut dire que la pensée consciente de l’Église ait été orientée dans ce sens. Comme le catharisme, le catholicisme était, de son propre aveu, une religion d’âmes, uniquement occupée à sauver des âmes. Si l’Église avait aussi un corps, matériel et trop matériel parfois, c’était sous la pression des circonstances et en contradiction avec sa propre doctrine.
    Les dogmes catholiques qui choquaient le plus les cathares : ceux de la Trinité et de l’Incarnation, concernaient plutôt les théologiens et les philosophes que la masse des fidèles. Les cathares étaient, semble-t-il, réellement ariens, en ce sens qu’ils refusaient d’admettre l’égalité des trois personnes de la Trinité. Cependant, les mots du Credo : «  et ex Patre natum ante omnia saecula  », impliquent, malgré le consubstantialem , une certaine suprématie originelle du Père ; pour les cathares aussi, Jésus était un Fils engendré avant tous les siècles, et nous ne savons si leurs adversaires ont exactement interprété leur pensée. Ce qui est certain, c’est que les cathares ont toujours manifesté une telle dévotion à la personne du Christ qu’aucun catholique ne pouvait aller plus loin ; on peut douter de tout, sauf de leur « christianisme ». En ce qui concerne l’Incarnation, la naissance miraculeuse de Jésus, la tradition apocryphe selon laquelle la virginité de Marie serait restée intacte après la Nativité, la Résurrection et l’Ascension n’étaient-elles pas propres à jeter le trouble dans les esprits ? Les catholiques eux-mêmes semblaient reconnaître implicitement que le corps de Jésus était, d’une façon ou d’une autre, différent des corps humains.
    En fait, ce qui était, dans la doctrine cathare, absolument inadmissible pour les catholiques, c’était la négation de l’Église catholique elle-même. Mais, et c’est là un point qui n’a peut-être pas été assez souligné, ce que cette religion apportait à ses fidèles, c’était le Christ et l’Évangile : le livre, le seul et le vrai livre, livre qui tenait lieu de croix et de calice, était l’Évangile, un évangile lu en langue vulgaire, accessible aux petits comme aux grands, rendu plus proche par d’incessantes prédications et controverses. De l’interprétation de l’Évangile par les cathares nous ne savons que ce qui en a transpercé dans les polémiques. Mais les prédicateurs qui s’adressaient à des fidèles n’en étaient plus au stade de la polémique. Leur religion rapprochait le Christ des fidèles parce qu’elle écartait le voile de dogmes, de traditions et de superstitions dont les siècles avaient fini par envelopper l’enseignement primitif. Il suffit de lire, par exemple, La Légende dorée, rédigée au XIII e  siècle mais rapportant des traditions orales ou écrites bien plus anciennes, pour se rendre compte à quel point la piété populaire avait souvent peu de rapport avec le christianisme.
    L’Église était mal armée contre ce danger : elle décourageait les tentatives de traduction des livres saints. Le catholique le plus irréprochable devenait suspect d’hérésie s’il manifestait le désir de lire l’Évangile en langue vulgaire ; et le latin était parfois ignoré par les prêtres eux-mêmes. La décadence de l’Église dans le Midi était telle que les prêtres n’enseignaient plus la religion ; s’ils le faisaient, on ne les écoutait plus. L’Église avait enlevé la clef de la connaissance et pouvait d’autant moins lutter que l’adversaire la combattait au nom du

Weitere Kostenlose Bücher