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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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rendez-vous.
    — Je file à l'autre bout. Si toutefois on me suivait…
    Elle mit ses deux poings sur ses hanches.
    — Il ferait beau voir ! Prends le temps qu'il faut ; ils me passeront sur le corps avant de te rejoindre !
    Il reprit sa course se félicitant d'avoir croisé cette vieille connaissance. Un jour, à Versailles, Julie Bêcheur, dite Rose de mai, se trouvait au milieu d'une délégation de dames de la halle. Elle fut remarquée par la reine en raison de son extraordinaire ressemblance avec sa mère Marie-Thérèse. Depuis elle vouait une adoration passionnée à la souveraine et le petit peuple du quartier avait fini par baptiser la voie où elle habitait «  Passage de la reine de Hongrie  ».
    Devant L'Ancre d'argent, le fiacre commandé l'attendait. Il acheta au passage à un étal une platée d'huîtres 127 ouvertes et à la taverne une bouteille de vin de Suresnes avec lesquelles, la faim l'ayant soudain tenaillé, il allait réjouir son trajet jusqu'à Versailles. Il avait compté sans l'inégalité du pavé parisien et seul le chemin sablé et policé qui menait à Versailles lui permit d'apaiser sa fringale. Indifférent à ce qui l'entourait, il grugea tout à son aise les huîtres dont la saveur le reportait à sa prime jeunesse au bord de l'océan.
    Rassasié, il réfléchit à ce qui l'attendait. Les ennuis de la reine lui paraissaient le seul sujet qui justifiât que le roi eût à traiter avec lui. Il convenait donc d'aborder cette affaire délicate avec précaution et la discrétion la plus retenue, s'agissant d'une question débattue, non seulement entre deux princes, mais surtout entre un mari et sa femme. Rien cependant ne devait l'inciter à trahir son engagement de loyauté à l'égard du roi ni à s'émanciper du respect dû à la reine. Il mesura la délicatesse de la démarche et combien elle exigeait de doigté. Tout, il le savait, dépendrait de la manière dont le roi engagerait son propos. Faute d'assurance, il était, comme tous les jeunes gens, timide et orgueilleux à la fois. Son ouverture ancienne envers Nicolas pouvait se dissiper à tout moment, l'hésitation s'emparer de sa volonté et, avec elle, surgir l'incapacité de parler net.
    Nicolas abandonna sa voiture avant le Louvre 128 . Il interrogea un garçon bleu de sa connaissance qui musait le nez au vent. Non, le roi n'était pas encore rentré de la chasse qui pouvait le mener assez loin dans la forêt de Marly, à ce que disait la rumeur. Il s'engageait à quérir le commissaire dès que le retour serait annoncé. Il décida d'aller flâner dans le parc. Depuis l'année précédente, il ne le reconnaissait plus. Les arbres plantés par Louis XIV avaient été abattus 129 et des tempêtes avaient achevé le travail. Désormais de nouvelles plantations s'organisaient. À ce spectacle, il éprouvait comme un sentiment de destruction. Il ne reverrait jamais le parc tel qu'il l'avait connu seize ans auparavant lors de sa première venue à Versailles. Le château privé de son écrin prenait en ce temps d'hiver incertain un aspect figé et funèbre. Il en était là de sa réflexion quand une main osseuse lui crocheta l'épaule. Il se retourna et découvrit, emmitouflé dans un manteau à grand col de loutre, le simiesque visage du duc de Richelieu. Pour déplacée que la comparaison lui parût, il lui semblait se trouver devant l'un de ces personnages de tableau de genre où un macaque travesti en homme saccage un salon. La petite face de la vieille momie ricanait sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche, hormis la buée de sa respiration. La main se fit griffe et s'agrippa comme si le maréchal avait été sur le point de tomber.
    — Quand on a l'honneur de croiser le petit Ranreuil, l'événement n'est jamais très loin. Je m'en suis souvent fait la remarque.
    — Oh ! Monseigneur, je me contente de respirer l'air du parc et de déplorer son arasement.
    — Commenter n'est point répondre ! Je vous connais trop pour…
    La griffe insistait. Le duc se rapprocha et se serra frileusement contre Nicolas. Une bouffée de musc mêlée à un autre entêtant parfum monta jusqu'à ses narines.
    — … trop discret comme une porte d'alcôve !
    — Ou comme une cheminée de chambre pivotante, dit Nicolas en riant.
    — Il y a bon temps que je m'y risque plus ! ricana Richelieu. Y aurait-il du nouveau ? On ne me dit plus rien. Notre jeune souverain aurait-il, à la parfin, accompli le grand œuvre ? Quelle

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