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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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est la chronique de la nuit ? Le grelot est-il attaché ? Aurons-nous bientôt un héritier ? Ah ! Ah ! Vous ne dites rien, c'est que vous savez tout peut-être. Est-ce lui ? Est-ce elle ? Lui faudrait-il un boute-en-train à cette génisse autrichienne qui me boude et me lanterne ?
    — Monseigneur ! Je vais m'enfuir pour n'en point entendre davantage.
    — Eh ! Le privilège de l'âge, mon cher. On peut tout dire et satisfaire ses caprices si, toutefois, on n'y a point cédé auparavant.
    Le regard du duc se porta sur les plantations nouvelles. Les perspectives dévastées le plongèrent dans un silence acrimonieux.
    — Hélas, fit-il au bout d'un moment, sur un ton qui lui était peu familier, j'aurai tout vu diminuer, l'autorité du roi, la politesse, les perruques et les arbres. Que sont devenues les frondaisons de mon premier maître 130  ?
    Il hocha la tête et sourit.
    — Je ne dis pas cela pour votre fils, ce modèle de chevalier français. Que lui avez-vous raconté sur moi pour qu'il me considère comme la statue du commandeur ?
    — Noblecourt lui a simplement raconté Fontenoy.
    La griffe tremblait.
    — Les jeunes gens d'ordinaire estiment plutôt l'amour que la gloire. Celui-là chasse de race comme disait notre feu roi. Votre Louis possède le feu. Il possédera l'amour et la gloire. Il sait aussi être étourdi. Mais une tête ébouriffée me plaît bien davantage qu'une tête bien peignée.
    Tiens, se dit Nicolas, à quoi cela fait-il allusion ? Il se rassura, les pères ne connaissent jamais qu'un aspect de leur enfant.
    — Les garçons doivent être abandonnés à l'énergie de la nature. J'aurais souhaité qu'il en fût ainsi de notre jeune roi, mais il est vertueux. Voilà le grand mot lâché ! Il est vrai que le vice s'apprend tout aussi bien que la vertu ; un homme public doit savoir se damner. Nous connaissons cela dans la famille… Il en est des hommes comme des bêtes, la nature fait les plis, l'éducation et l'habitude font les calus 131 .
    — Oh ! Le beau programme, monseigneur.
    — À mon âge, vous aurez compris que la jeunesse est une ivresse continuelle, la fureur de la raison 132 . À vous-même la route fut-elle droite et sablée ?
    Nicolas se revit, rageur, s'opposer au marquis son père. Il ne répondit pas.
    — Voyez, voyez ! Rentrez en vous-même. Le roi est par trop sage. Il a des vérités et des connaissances sans le feu de son âge. Quand il décide c'est par foucade de jalousie vis-à-vis de ceux qui pourraient le faire plus aisément à sa place…
    Il prit son ton de roué , celui de sa folle jeunesse au côté du régent d'Orléans.
    — … Je lui préférerai quelques putains de cour aux basques ! Et quand je dis les basques… Mais bast ! Ce sont là paroles de vieillard.
    Avec les grâces surannées de l'ancienne cour, il salua Nicolas et se dirigea vers une allée bordée de buis. Son fantôme claudicant s'effaça dans la brume qui montait du parterre d'eau.
    La nuit tombait quand le garçon bleu interrompit la promenade de Nicolas, perdu dans ses pensées. Les voitures du roi étaient annoncées. M. Thierry, premier valet de chambre, s'était enquis de savoir si le marquis de Ranreuil avait paru. Il rejoignit l'entrée des retours de chasse. La petite foule rassemblée bruissait de rumeurs. La forcer aurait été difficile et l'on avait longtemps erré à la billebaude 133 . Le roi avait glissé au moment de servir, on l'avait cru blessé. Vu l'heure, la curée n'avait pas eu lieu sur place et serait remplacée au château par une curée froide dans la cour des Cerfs. Ces nouvelles avaient été rapportées par des coureurs en relais et chacun se les colportait.
    Dans la cour, Thierry le rejoignit. Au même moment une grande agitation marqua l'arrivée des voitures du roi.
    — Nous avons quelques instants pour parler, monsieur le marquis. Voyez-vous la raison de la convocation du roi ? Pour ma part, je l'ignore tout à fait. Il semble qu'une visite de M. de Vergennes en fut la cause première. Je vous préviens, Sa Majesté paraît soucieuse, et les aléas de la chasse n'ont sans doute rien arrangé.
    C'était bien la première fois qu'il découvrait Thierry dépassé par l'événement et, de plus, l'admettant. Il laissa la question en suspens. Que pouvait-il répondre qui ne fût pas du domaine des arrière-pensées ? Le roi devait être en train de se changer. Au milieu de la cour s'apprêtait la curée froide et la

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