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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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cette affaire, la suivre, en éclairer les arcanes et décider à tout moment des conditions de déroulement de la procédure criminelle.
    — Il est fou ! dit Sartine. Sa suffisance lui monte à la tête. Il est bon pour les cabanons de Bicêtre !
    Nicolas, sans un mot, brandit la lettre signée par le roi et la remit à l'amiral.
    — Qu'est-ce encore ? jeta Sartine qui tourmentait en les déroulant les boucles de sa longue perruque.
    — Il semble évident, monseigneur, que le marquis de Ranreuil ait reçu tout pouvoir de Sa Majesté, et cet ordre l'atteste, pour traiter de la question et d'autres, car ce blanc-seing paraît sans limite aucune.
    — Comment avez-vous osé ? clama Sartine.
    — Monseigneur, je n'ai fait qu'obéir à monsieur le lieutenant général de police qui m'a remis ce papier d'ordre du roi.
    — Comment ! Le Noir est au courant et serait à l'origine de…
    Il parut réfléchir un moment.
    — Monsieur Le Floch, vous m'allez rendre Rivoux sur-le-champ.
    — Je suis au désespoir de ne pouvoir déférer à vos vœux. C'est moi qui, au nom du roi, vous exhorte à libérer M. Lavalée et à me le remettre.
    Sartine, empourpré, fit une brusque volte-face et sortit du salon, bousculant au passage Tribord qui apportait sur un plateau le rhum, boisson traditionnelle à l'hôtel d'Arranet.
    L'amiral soupira, se servit un verre de rhum qu'il lampa avec une sorte d'avidité et puis tendit un verre à Nicolas.
    — Mon Dieu, quel homme ! Son commerce n'est pas toujours aisé. Il en reviendra. Il est difficile par les temps qui courent d'être ministre. On est souvent impérieux par impuissance… Le drame d'un personnage de sa valeur est de disposer d'une volonté sans pouvoir. Et pourtant, que ne lui doit-on point depuis qu'il est en charge, et cela en dépit des oppositions du contrôleur des finances et de ceux qui lui refusent les moyens nécessaires ?
    — La cuisine des enquêtes l'a toujours exaspéré, il veut bondir au résultat. Lui résister, c'est pourtant souvent l'aider.
    D'Arranet se servit un nouveau verre qu'il but avec la même célérité.
    — Certes, mais peut-on imaginer qu'un homme qui passe dans la société pour probe, doux, exact, dont on loue la modestie, qu'on aime et qu'on estime comme tel, avec le grand art qu'on lui prête d'être avare en paroles s'instruisant de ce qu'il ignore par des réticences qui donnent à croire qu'il est plus au fait qu'il n'y paraît des questions que l'on traite, que cet homme puisse dans le privé de ses entours s'avérer aussi cassant, de mauvaise foi et d'un esprit de contradiction que, seul à la cour et à la ville, peut lui envier le président de Saujac.
    — Vous peignez là un tableau que j'observe depuis des lustres ! Je suis assuré au fond qu'il m'aime, mais il doit prendre en compte que je ne suis plus l'apprenti de 1760.
    — Il sert la France et le roi avec un zèle égal au vôtre et c'est pourquoi on le subit en patience. Lisez son plan sur la marine. Il a compris que, dans la guerre qui s'annonce, le royaume, s'il veut tenir tête à son rival anglais, se doit de pouvoir disposer d'une flotte renouvelée et puissante. Il faut de l'or encore et encore et c'est un crime de le lui refuser ! Turgot ne le pouvait souffrir et il indispose Necker de ses incessantes demandes.
    — Et Lavalée ?
    — Ne vous souciez en rien. Il est sous ma responsabilité dans un lieu aimable en tout et fait pour lui rendre la vie agréable. L'ire retombée, il recouvrera la liberté et recevra de quoi restaurer sa demeure. Encore une chose… délicate. Vous avez revu Antoinette Godelet. Je ne vous pose pas la question, je connais la réponse. C'est la mère de votre fils.
    — À vous monsieur, je veux bien l'admettre et vous confier aussi que je la soupçonne de travailler pour Lord Aschbury, le chef du secret anglais.
    — Rien n'échappe à votre perspicacité. Je vous confirme qu'elle œuvre avec ce personnage à qui elle remet certaines informations.
    Le visage atterré de Nicolas frappa l'amiral.
    — Je sais, la vérité n'est pas toujours agréable à regarder en face. Rassurez-vous, Mme Godelet agit en fait au service du roi. C'est un agent à double face. Elle est à nous et nous renseigne de ce qu'elle peut glaner à Londres dans son négoce. Elle a gagné notre estime, ayant, à plusieurs reprises, mis au jour et démonté des entreprises dangereuses de l'ennemi. Son embossure 160 est française.
    — Mais

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