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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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l'ont jetée sa trop grande bonté et l'ouverture confiante qu'elle accorde à tous ceux qui l'approchent. La dame doit être prise sur le fait, et que je sois témoin de cette comédie. Je ne la connais point. Vous devez m'aider. La foule commence à s'assembler dans la grande galerie. Comme la puis-je trouver ? Allez, et dites-moi où elle se trouve.
    Réconfortée par ce mâle discours, Mme Campan s'éclipsa à pas pressés. Au bout d'un long moment, essoufflée, elle reparut.
    — Elle ne se trouve point dans la galerie, et pour cause. Elle a déjà pris place à la chapelle. Vous la reconnaîtrez aisément, Loiseau de Béranger est à sa droite, lui-même flanqué par deux dames aux coiffures extravagantes où Cérès et Pomone déversent leurs bienfaits. Cette femme est d'une audace ! Le piège est bien tendu, j'en frémis !
    — Rassurez-vous, elle va en en payer la façon. Avec de l'audace on peut tout tenter, on ne peut pas tout faire.
    Au moment où il sortait du salon de la Paix, M. Thierry surgit et le retint un moment. À l'oreille il lui confia que le roi souhaitait sa présence dans la bibliothèque de ses appartements à l'issue de l'office. Une sorte de conseil réunirait M. de Maurepas, le comte de Vergennes, Sartine, M. Amelot de Chaillou, ministre de la maison du roi et Mercy-Argenteau, ambassadeur de l'impératrice-reine et mentor de Marie-Antoinette. La porte de glace communiquant au cabinet du conseil venait de s'ouvrir ; pages, officiers et gardes paraissaient déjà, précédant le roi. Le cortège de la reine sortait du salon de la Paix. Nicolas se hâta pour rejoindre le bas de la chapelle royale.
    Il repéra très vite l'éclatant habit parme de Loiseau de Béranger et à sa gauche une dame dont le visage fardé rappelait en brouillé en version vulgaire et vieillie, celui de Mme du Barry. Au côté du fermier général, deux dames qu'on ne pouvait ignorer dressaient haut d'invraisemblables édifices. Il parvint à se placer derrière eux sans que sa présence attirât leur attention. L'assistance tournait le dos à l'autel et levait ses regards vers le cortège qui, à pas lents et dans le déchaînement de l'orgue, apparaissait dans sa pompe habituelle. Le roi considérait la foule inclinée, mais pour Nicolas, qui le connaissait bien, cette curiosité n'avait pas d'objet, sans ses bésicles il ne distinguait qu'une masse confuse et chatoyante. Le devant de la tribune était bordé d'une balustrade de marbre sur laquelle était jeté un grand drap de velours cramoisi à franges d'or.
    Nicolas, là où il était placé, pouvait observer la reine. Au bout d'un moment, il parut qu'elle recherchait du regard les deux dames dont les coiffures lui avaient été signalées. Elle porta en effet les yeux sur le quatuor, fit un premier hochement de tête approbateur, puis un second plus prononcé. Nicolas qui s'était penché entendit distinctement la dame de Villers murmurer son commentaire à l'oreille du fermier général en proie à une sorte de ravissement.
    — Voyez ! Désormais vous ne doutez plus. La reine à qui j'ai dit votre incrédulité s'y est reprise à deux fois pour vous convaincre.
    — Je vous dois mille excuses et suis votre serviteur.
    Unique témoin de la machination, Nicolas détenait désormais la preuve de la culpabilité de Mme Cahuet de Villers. Que, de surcroît, elle ait eu à connaître de la vente en recel de la flûte du roi de Prusse, en disait long sur l'écheveau d'intrigues dans lequel on tentait d'enserrer la reine. Restait à déterminer sur ce dernier point quel truchement faisait le lien avec cette femme en manœuvres depuis le dernier règne en vue de battre monnaie sur de nuisibles filouteries. Un murmure lui fit lever la tête. Au loin, une jeune femme en grand habit magnifiquement paré défilait devant la cour, plongeant en révérence tous les trois pas, l'aumônière à la main. À sa tournure et à sa grâce il reconnut Aimée. Le soir, après son jeu, ce serait au tour de la reine de quêter au profit des pauvres, l'usage du carême étant que seul l'or était reçu.
    Il mesura soudain l'inconvenance de sa réflexion durant le service divin. Il s'abîma dans les prières de son enfance. Répercuté par la voûte, le salvum fac regem le ramena à la triviale réalité. Il mesura alors avec une sorte de nausée la distance entre ce roi, le plus puissant de l'univers, sur lequel reposaient les espérances communes, et la bassesse qui

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