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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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comment en est-elle arrivée là ?
    — Le ministre a choisi d'exercer une certaine influence sur la dame en liaison…
    L'amiral soupira.
    — … avec son passé. Soucieuse de vous et de son fils, elle a aussitôt accepté.
    — C'est indigne de la part de Sartine. S'il devait arriver malheur à Antoinette, je ne lui pardonnerais pas, murmura Nicolas comme s'il se parlait à lui-même.
    — Pour vous manifester ma confiance, je vais vous révéler la nature de son rôle principal. Elle dépouille les gazettes anglaises qui rendent publics la construction, les mouvements des navires, mais aussi les lettres de commission nommant les officiers. Chaque vaisseau possède une fiche rapportant l'année de sa construction, ses courses, combats, avaries et réparations, réputations, noms de ses commandants successifs, opinion sur celui qui le commande. Des boîtes rassemblant toutes ces fiches sont conservées au ministère. Les informations proviennent par les bateaux de charbon en paquets à nos commissaires de la marine de Boulogne et de Calais qui nous les adressent par estafettes. Tout est tenu à jour. Chaque lundi, Thierry, premier valet de chambre, transporte les états pour être placés sous les yeux de Sa Majesté. Et ainsi, grâce à Mme Godelet, la Navy dans l'univers est sous les yeux du roi 161  !
    — Je mesure avec effroi les périls constants qui à tout moment la menacent.
    — Elle est habile et prudente.
    — Si vous connaissiez Aschbury… Rien ne l'arrête.
    — Ne vous souciez pas. Nous avons en réserve quelques arguments dirimants qui, s'il s'avérait que son rôle fût traversé, permettraient de la sauvegarder.
    — Monsieur, je dois vous demander une faveur. Je doute, vu l'humeur qui le tient, que M. de Sartine soit en mesure de m'entendre et encore moins de me répondre. Vous comprenez les présomptions qui pèsent sur Rivoux. Cependant, rien n'est encore décisif et tout peut dépendre des éclaircissements qu'il serait à même de nous fournir. Il doit pouvoir se défendre et objecter aux questions légitimes qui s'imposent. Pour l'heure il s'y refuse obstinément, muré dans un silence que justifient les ordres reçus. Il détient sans doute des détails dont il ne mesure pas la portée et qui viendraient, on peut l'espérer pour lui, conforter ses protestations d'innocence. Il est expédient qu'il parle. Un mot de vous le relevant de sa consigne faciliterait la suite de mon enquête, au cours de laquelle, outre Peilly, une pauvre fille a perdu la vie en conséquence de l'enlèvement de Lavalée et moi-même ai été tiré comme un lapin. J'ajoute qu'il devient nécessaire que soit déterminé pour la sécurité du royaume le pourquoi de l'échec d'un plan si bien ménagé et quelle criminelle traîtrise y a tenu la main.
    L'amiral médita un moment, puis s'assit devant un petit bureau à cylindre. La plume traça quelques lignes sur un papier qu'il plia, scella de l'empreinte de sa bague à cachet et tendit au commissaire.
    — Ne me faites pas regretter un geste qui, à tout coup, me sera reproché.
    Aimée n'était pas au logis, retenue chez Madame Élisabeth qu'on amarinait , comme le dit plaisamment d'Arranet, à sa future maison. Ils soupèrent donc en tête-à-tête d'un ragoût d'esturgeon servi par Tribord qui se mêlait gaillardement à la conversation, les faisant rire de ses reparties et dissipant peu à peu l'aigreur de la scène avec Sartine. Ils glosaient sur les nouvelles de la cour et de la ville en particulier sur le dîner public offert par l'archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, à Necker, le directeur du trésor. L'amiral rapporta l'épigramme qui courait à Paris sur l'événement.
    Nous avons un scandale épouvantable !
    Necker assis avec Christophe à table
    L'Église en pleure et le diable est ravi
    C'est que Necker, le fait est très constant
    N'est janséniste, il n'est que protestant.
    Nicolas ne fut pas en reste et, sur le même ecclésiastique registre, conta à l'amiral que le cardinal de la Roche-Aymon, grand aumônier de France plus ou moins retombé en enfance, s'étant plaint de la goutte à M. Bouvart, son médecin, gémissant qu'il souffrait comme un damné, l'esculape compatissant lui avait crûment répondu «  Quoi ! Déjà, monseigneur . »
    Ils évoquèrent aussi les affaires d'Amérique. L'amiral lui confia le mécontentement général du militaire devant l'inertie du royaume. Les agents des insurgents multipliaient les

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