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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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sentiment ; tu sais combien l'intuition me guide. Je trouve que cette affaire prend apparence, et dans le plus mauvais sens.
    — En rendras-tu compte à qui de droit ?
    Nicolas fixa Bourdeau, l'air amusé.
    — Tu me perces à jour ! Attendons le résultat de nos premières investigations et de l'ouverture. Il est urgent d'attendre. Après il sera toujours temps. L'expérience ne nous a que trop appris qu'à se précipiter ce sont horions et coups de caveçon que l'on récolte !
    — Ne crains-tu pas que le pied ne te glisse dans un de ces secrets d'État que tu as si souvent approchés par le passé ?
    — Il ferait beau voir que cette crainte m'inclinât à renoncer à mon devoir alors qu'on m'est venu chercher, moi, magistrat du roi, pour constater une mort apparemment accidentelle. Toute la lumière sera faite sur les conditions de ce trépas et nul risque possible ne m'arrêtera. Devrions-nous paraître relaissés 12 parce qu'un péril imaginaire nous menace ? Que penserais-tu de moi, Pierre, si j'agissais ainsi ?
    Bourdeau était partagé entre le rire et l'émotion.
    — Je dirais que tu n'es pas un bon citoyen guidé par la vertu, que tout homme a droit à la lumière de la justice et que force doit rester à la loi. Mais que cela ne m'empêche pas de me soucier de ta sûreté.
    — Il y a belle lurette que j'en ai fait mon deuil, le jour où je suis entré en apprentissage chez le commissaire Lardin, rue des Blancs-Manteaux. Et pour le reste, c'est à toi d'y veiller, comme tu l'as toujours fait.
    Un long silence marqua le retour qu'ils faisaient dans le même instant sur ce long passé de complicité. Nicolas posa un regard attendri sur le bon visage de Bourdeau et remercia le ciel et Sartine de le lui avoir donné comme adjoint. L'homme n'était pas toujours d'un commerce aisé, il l'avait maintes fois éprouvé, mais sa fidélité, son courage et son dévouement sans limites ne lui avaient jamais manqué et, dans les dangers courus ensemble, il lui avait plusieurs fois sauvé la vie.
    — Pierre, dit Nicolas, rompant ce moment d'émotion, je cours, autant que l'état des rues le permettra, faire toilette rue Montmartre. Je repasserai avant midi. Retrouvons-nous alors pour un premier état.
    — Par pitié, prends un fiacre. On dérape ferme sur des plaques gelées. J'ai déjà admiré plusieurs chutes spectaculaires. Les rebouteux et empiriques du Pont-Neuf vont avoir fort à faire.
    — Ah ! J'oubliais. Tâche de me récupérer le registre des étrangers et le travail des mouches concernant les ministres des cours. Tu sais, dans la conjoncture, l'attention sourcilleuse que nous portons aux agissements de Lord Stormont, l'ambassadeur anglais.

    Malgré la rigueur du temps, Nicolas constata que la place de l'Apport-Paris devant l'entrée du Grand Châtelet était aussi animée qu'à l'accoutumée. Un mince filet d'eau coulait des stalactites de la fontaine à clochetons où se relayaient les porteurs d'eau. Un homme battait du tambour, scandant la danse pataude d'un petit barbet vêtu de l'uniforme des Gardes-Françaises. Des chalands, tapant la semelle, considéraient le spectacle, transis. Les parasols couverts de neige abritaient des étals où se vendaient pain, oublies, harengs, regrats de toutes sortes. Deux commères s'invectivaient. L'une finit par saisir l'autre au col qui céda dans un craquement sec. Elles roulèrent à terre sous les huées et les quolibets de la foule aussitôt amassée. Leur piétinement réduisit bientôt la neige en gadoue noirâtre. Un âne bâté se mit à braire, portant le comble à la confusion. Sous les auvents de bois qui bordaient les hautes murailles de la forteresse, un barbier impavide, engoncé dans une houppelande noire, officiait sans désemparer. Nicolas, distrait, glissa, trébucha pour finalement heurter un porteur de bois dont la hotte oscilla avant de lâcher son contenu. Quelques liards et de bonnes paroles suffirent à calmer l'irritation du gagne-denier. Le commissaire finit par sauter dans un pot de chambre en maraude qui, au pas, le conduisit rue Montmartre.
    Le nouveau petit mitron de la boulangerie Parnaux se précipita pour lui ouvrir la porte. Les bouffées chaudes et parfumées du fournil l'emplirent d'aise. L'ordre du monde était rétabli dans cet endroit préservé. Dans la cour de l'hôtel, Mouchette, la chatte naguère recueillie aux Thermes de Julien, sautait dans la neige. Il l'observa un moment, admirant ses gracieuses

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