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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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gouverneur, ne laissent pas de m'étonner. Comment vous, responsable pour le roi de cette prison, en êtes-vous réduit à affirmer ne rien connaître d'un prisonnier placé sous votre responsabilité ?
    — Et pourtant c'est ainsi !
    — Croyez que votre réponse est loin de me satisfaire. Pour commencer, quel est son nom ?
    — Je l'ignore.
    — La raison de son incarcération ?
    — Je l'ignore.
    — C'est intolérable. Reprenons les choses à leur commencement. Depuis quand est-il ici et dans quelles conditions l'avez-vous écroué ? J'attends de vous des réponses précises et circonstanciées. Il me reviendra de rendre compte au lieutenant général de police du détail des faits intervenus au Fort-l'Évêque et des explications que vous aurez consenti à me donner.
    Mazicourt toussota, l'air piqué.
    — Je n'ai que peu de matière, monsieur le marquis, et il faudra vous en contenter.
    — Mais encore ?
    — Le prisonnier a été conduit au Fort-l'Évêque dans la nuit du 5 janvier 1777. Au vrai, à trois heures du matin.
    — Est-ce là une heure habituelle ?
    — Non, certes… Une lettre de cachet m'a été présentée.
    — Signée par qui ? L'avez-vous conservée ?
    — Non… La signature m'a paru être celle du ministre de la maison du roi. On ne me l'a pas laissée. La vue de cet ordre a tout emporté chez moi dans le saisissement d'une circonstance aussi inattendue. Que vouliez-vous que je fasse ?
    — À qui avez-vous eu affaire ? La police, le guet ?
    — Au vrai, je l'ignore. Des hommes en noir dirigés par un personnage en manteau bleu.
    — Et votre sagacité habituelle n'a pas cru suivre son cours en vérifiant la capacité de vos interlocuteurs.
    — Le temps m'a manqué.
    — Est-ce là une procédure habituelle ?
    — Je ne l'avais jamais observée depuis que je dirige cette prison. Nous accueillons ici des gens du jeu, des perdus de dettes ou des comédiens. C'est un lieu placide et sans désordres.
    Dirigé, songeait Nicolas, par un homme dont les qualités moyennes convenaient si bien à un lieu tout tempéré de mansuétude. Ses explications correspondaient à un laisser-aller conforme au caractère de ceux qu'on accueillait ici. Face à cela, l'incompréhension du commissaire ne cessait de croître. Que venait faire dans cet endroit bénin un prisonnier que tout, dans les circonstances observées, présentait comme un criminel d'État dont on aurait voulu, d'ordre supérieur, préserver l'incognito ?
    — A-t-il reçu des visites ? L'a-t-on interrogé ?
    — Il était au secret, mais l'homme en bleu est venu, à trois reprises, le visiter. Il était fort bien traité, au « régime de la pistole », traitement de choix. Mets parvenant de l'extérieur, d'un traiteur de la rue Saint-Honoré et draps blancs.
    — Ah ! Oui, parlons-en ! Une paire de draps ne me paraît pas suffisante pour tresser un cordage assemblé permettant de s'échapper du troisième étage d'une prison de Sa Majesté.
    — Je m'en suis fait à moi-même la surprenante réflexion.
    — Et jusqu'où cette louable démarche vous a-t-elle mené ?
    — À ce que, n'ayant été associé à rien, je ne devais pas autrement m'en soucier.
    —  « Je voyais l'ombre d'un cocher, qui tenant l'ombre d'une brosse, nettoyait l'ombre d'un carrosse. »
    — Plaît-il ?
    — Je ne dis rien, je cite. Je pense que la situation dépasse l'entendement, mais que, l'extraordinaire relevant de mon domaine, je vais devoir m'y consacrer. En attendant, vous veillerez – je vais y poser des scellés – à ce que rien ne soit touché ni modifié dans la cellule qu'occupait notre inconnu. Vous devrez me signaler toute tentative d'intrusion ou d'intervention à cet égard. Est-ce bien entendu ?
    — Et si l'homme en bleu réapparaît ? dit Mazicourt dont l'expression s'était altérée.
    — Je crois, monsieur, que vous lui opposerez, usant de la fermeté qui semble être la vôtre, le refus le plus formel et me l'adresserez tout aussitôt au Grand Châtelet.
    Le gouverneur s'inclina en silence. Il accompagna Nicolas pour la pose de pain à cacheter dûment paraphé de leurs deux signatures. Au dehors, le commissaire, le nez au sol, examina à nouveau le sol fangeux et gelé où le corps s'était écrasé. Un temps il suivit des traces de roues, ne rebroussant chemin que lorsqu'elles se confondirent avec d'autres marques. Puis il rejoignit le Grand Châtelet, s'arrêtant à plusieurs

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