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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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de la moindre occasion, il poursuivait son chemin. Ses relations distantes avec Necker établissaient une conjoncture que n'entamaient aucunement le bon accueil et l'ouverture du roi à son égard. M. de La Borde avait un jour résumé la chose en citant Marot :
    Ô ! Roi français, tant qu'il te plaira, prends-le,
    Mais si le perds, tu perdras une perle.
    Dans la rue, il prit connaissance du billet remis par son chef.
    « Mme Le Noir et M. Le Noir, conseiller d'État, lieutenant général de police, ont l'honneur de vous faire part du mariage de Mademoiselle Le Noir, leur petite-fille et fille, avec M. Boula de Nanteuil, maître des requêtes, et vous prient d'assister à la signature du contrat par Sa Majesté, le 23 février 1777, à Versailles. »
    Relevant la tête, il eut l'impression d'être observé. Il envisagea deux quidams qui tournèrent trop rapidement la tête quand il les dépassa pour rejoindre son fiacre. Le policier se réveilla en lui. Ces deux-là étaient-ils des mouches ? Il ne les remettait pas ; pourtant peu lui étaient étrangers. Il ordonna au cocher de l'attendre du côté du boulevard, rue Basse-du-Rempart, et d'un pas tranquille se dirigea vers la place de Vendôme que l'habitude lui faisait toujours nommer place Louis-le-Grand. Au lieu de s'y engager, il s'arrêta un moment, feignant que le pied lui ait glissé dans la neige fondue. Il se baissa pour nettoyer le bas de son manteau et en profita pour jeter un coup d'œil derrière lui. À quelques toises, les deux hommes s'étaient arrêtés aussi et l'observaient. Le doute n'était plus permis, il était bel et bien suivi. Depuis quand ? Il pouvait soit marcher sur eux, soit les interpeller. Cela risquait de ne conduire à rien, chacun étant libre de déambuler dans les rues sans avoir à en rendre compte. Il préférait les ignorer en leur faussant compagnie, mais en vérifiant que décidément c'était à lui qu'ils en avaient. Il bifurqua, entra dans la chapelle du couvent des Capucines et courut se dissimuler derrière le maître-autel. Dans la semi-obscurité du sanctuaire, il apercevait l'entrée en contre-jour. Presque aussitôt la porte s'ouvrit et les deux hommes entrèrent, jetant à la ronde un regard inquisiteur. Ils se concertèrent un moment, puis se précipitèrent dehors.
    Nul doute qu'on l'attendît à l'extérieur. Il s'accorda un moment de répit. Une plaque de marbre blanc attira son attention. Il s'approcha et en lut l'inscription avec émotion. Dans cette crypte reposaient la marquise de Pompadour 67 , sa mère Louise Madeleine de la Motte, et sa fille Alexandrine. Les souvenirs refluaient comme une vague de mascaret. Le temps s'arrêtait, le passé soudain resurgissait comme une épave sur la grève que la mer découvre. Il revit dans un ovale parfait le regard aux yeux gris adorant le feu roi. Cet amour-là justifiait beaucoup de choses et même les menées obscures que la marquise vieillie, malade et jalouse avait sur sa fin multipliées. Chacun disait-elle a deux âmes, l'une pour le bien, l'autre pour le mal. Il revécut leur dernier entretien à Bellevue, duel à fleurets mouchetés : « Vous êtes un loyal serviteur du roi » , lui avait-elle jeté avant de le quitter. Il pria un moment pour celle qui gisait dans un caveau profond et associa dans son oraison le pauvre visage de Truche de la Chaux 68 .
    — Mon fils, vous paraissez bien accablé ?
    Nicolas sursauta. Un vieux prêtre en habit noir et rabat se penchait vers lui. Il se redressa.
    — Si je vous pose la question, ce n'est point simple curiosité de ma part, c'est que votre attitude m'intrigue… Depuis votre entrée dans la chapelle et la venue de ces deux hommes… Il m'a semblé… Mais je m'égare sans doute… Seriez-vous par hasard poursuivi ? Sollicitez-vous la protection et l'asile d'un sanctuaire ?
    — Je priais pour le salut de l'âme d'une personne que j'ai bien connue.
    — Elles sont nombreuses ici, et de haut lignage.
    Nicolas se présenta et exposa sans détour la situation telle qu'elle se présentait. Le prêtre, qui était le confesseur des Capucines, réfléchit un moment, puis se dirigea vers une porte derrière l'autel et tira une poignée dissimulée dans un creux de la pierre. Une cloche sonna dans le lointain. Une porte finit par s'ouvrir dans le côté gauche du chœur. Une petite religieuse rondelette, au visage plein et rose, aux yeux d'enfant, parut et s'adressa au prêtre en fixant Nicolas d'un

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