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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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ce temps, courir les rues !
    Il se leva d'un bond et la rattrapa pour lui poser son manteau sur les épaules ; celui-ci enveloppait la pauvresse tout entière. Elle le regarda de côté et avec difficulté, profitant qu'il s'était baissé, tendit la main pour lui caresser furtivement la joue, puis sans un mot se retira.
    — Votre vieux manteau auquel vous teniez tant ! dit Bourdeau d'une voix bourrue et tremblée… A-t-on idée !
    — Justement… Et maître Vachon m'en coupera un autre.
    Un long silence suivit. L'inspecteur se moucha bruyamment.
    — Et avec ça, vous allez prendre malemort ! Mère Morel, vite un cruchon d'eau… claire . Vous voyez ce que je désire.
    Des yeux, elle appela la servante. Dès qu'elle lui eut parlé à l'oreille, celle-ci disparut pour revenir avec une bouteille de grès, deux gobelets et un plat de beignets et de crêpes.
    — Ces beignets-là, dit la mère Morel soucieuse de satisfaire leur manie, c'est tout simple. Tu prends des…
    — Du pain à chanter.
    — À chanter, si tu préfères ! Tu découpes à l'emporte-pièce des ronds que tu charges de frangipane. Un autre rond recouvre le premier. Tu les colles en les mouillant sur le bord. Chaque pistole est jetée dans la friture et ensuite saupoudrée de sucre et dorée à la pelle rougie. Pourquoi veux-tu que Notre Seigneur s'en fâche ? Et si vous revenez en juin, je vous en ferai à la cerise avec du ratafia de noyaux dans la pâte !
    L'eau leur venant à la bouche, ils se jetèrent sur les beignets croustillants à l'extérieur et fondants à l'intérieur. L'eau claire qui fleurait la prune et l'angélique arrosa avec vigueur cette gourmandise.
    — On comprend que la vieille Émilie puisse craindre les hôpitaux, dit Bourdeau. Chacun ne sait que trop que leurs administrateurs s'enrichissent scandaleusement aux dépens des pauvres en détournant à leur profit les sommes qui leur sont dédiées.
    — Et Dieu sait pourtant si le Français est charitable ! On dit qu'il y aurait tant de fondations qu'elles seraient en mesure de nourrir le tiers des habitants du royaume ! Le vice résiderait dans la mauvaise organisation de la distribution.
    — L'essentiel n'est pas de faire le bien, mais de le bien faire !
    — Mais, repartit Nicolas, il est certain que le siècle est plutôt aumônier et que nos Français sensibles qui ont lu votre Rousseau répandent libéralement leurs largesses et sacrifient sans regimber à l'amour de l'humanité.
    — Il paraît que vous l'avez lu aussi !
    — Le lire ne signifie pas l'approuver. Pourquoi voudriez-vous que je l'ignore ? Et même, je le cite : Se faire sa propre opinion n'est déjà plus un comportement d'esclave.
    — Ah ! Ah ! Je sens que vous rentrez dans son raisonnement : tu es un homme dans les fers content d'obéir au lieu de donner ton avis. Mais il arrivera un jour où le plus fort cessera d'être le maître s'il ne vient à transformer sa force en droit et l'obéissance qui lui est due en devoir  ! Méditez là-dessus, monsieur le marquis !
    Nicolas leva son gobelet.
    — Je bois à votre générosité, Pierre. Elle ne doit rien aux philosophes. Et pour poursuivre dans cette voie, considérez Tronchin, le médecin de Noblecourt et de Voltaire. Il fournit tout dans ses consultations gratuites, même les remèdes nécessaires. Il nomme cela son bureau de philanthropie .
    — Serviteur ! dit Bourdeau. Il en est d'autres qui, comme un certain marquis, ont remis les redevances de leurs fermiers en raison des maladies qui ont frappé le bétail.
    — Eh diable ! Comment l'avez-vous appris ?
    — La nouvelle des bienfaits se répand comme la poudre. Tout comme chacun sait et demeure affligé de voir un jeune monarque doué, semble-t-il, d'un cœur tendre dirigé par un vieux courtisan incapable de fortifier en lui les sentiments d'humanité et de lui inspirer l'amour de ses peuples, puisque lui-même…
    Il se remit une rasade d'eau claire .
    — … s'est rendu odieux et méprisable à ses vassaux de Pontchartrain par son caractère dur, impérieux et fort éloigné du moindre goût pour la bienfaisance. Et que dire de la dame ? Elle t'entretint naguère, je crois ?
    — Oui, quand Sa Majesté avait occis par erreur son chat favori. Je négociai le traité ! Ce dont la dite dame me tint reconnaissance.
    — Eh bien, chacun sait que la comtesse de Maurepas influe beaucoup plus que le ministre lui-même dans les affaires et que rien à la

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