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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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ailes immobiles du bâtiment, Nicolas discerna une volute de fumée sortant de l'une de ses fenêtres, perçut le bruit d'une détonation et ressentit à la tête un violent choc qui le précipita à terre. Le cheval affolé se cabrait et, dans un effort désespéré, tirait l'attelage, dérapait en arc de cercle et finissait par l'arracher à la fondrière, l'entraînant, brinquebalant, dans une friche bordant le chemin. Étourdi, Nicolas ne parvenait pas à se relever. Le cocher de Semacgus s'était jeté à terre et rampait vers lui. Il l'attrapa par le col et le fit glisser dans la fange jusqu'au fossé où ils tombèrent à bout de souffle avant de se tapir contre le talus.
    — Qu'est-il arrivé, Armand ? dit le commissaire au petit homme qui lui souriait. Merci de votre présence d'esprit.
    — Monsieur ne m'aurait jamais pardonné de vous avoir abandonné. Encore n'étais-je guère rassuré ! On nous a bel et bien pris pour des lapins et tirés comme à la parade ! Êtes-vous blessé, monsieur ?
    — Je ne crois pas… Même si la tête me sonne comme une cloche.
    Il porta la main à son crâne. Son tricorne était tombé et gisait dans une flaque au milieu du chemin. Se tâtant, il sentit sous ses doigts une bosse qui enflait. Que s'était-il donc passé ? Il paraissait indemne et pourtant… Plusieurs coups de feu éclatèrent de nouveau qui les firent s'aplatir contre le sol gluant. Si l'assaillant approchait, qu'auraient-ils à lui opposer ? Son épée était restée dans la voiture et contre des armes à feu elle serait d'un piètre secours. Il songea au petit pistolet miniature, présent de Bourdeau, qui se trouvait dans l'aile de son chapeau, quelques toises plus loin. De toute manière, son coup unique ne portait guère et il ne l'avait pas rechargé après sa démonstration chez la Paulet. Soudain des hennissements se firent entendre, suivis du bruit d'une galopade. Ils se préparèrent à une attaque en force, mais la rumeur s'éloigna. Le silence succéda au fracas.
    — Vous ayant vu tomber, ils croient leur coup réussi, glapit Armand. Les voilà déguerpis !
    Nicolas constata que pour le cocher le doute n'existait pas : que c'était bien à lui que les assaillants inconnus en avaient. Ainsi une nouvelle fois, songea-t-il avec un mélange de détachement et d'ironie, la mort l'avait tutoyé. Tiré de ses innombrables lectures, il murmura un morceau de poème que lui soufflait sa mémoire :
    … La mort inexorable
    Avait levé sur moi sa faux épouvantable
    Le vieux nocher des morts à sa voix accourut 118 …
    Il avait oublié le nom de l'auteur ; il consulterait Noblecourt, ce puits de science, à qui il suffisait de fournir le début d'un vers pour qu'il en dévidât incontinent la suite. Serait-il mort assassiné après une soirée chez des amis chers et une bonne quarreleure de ventre 119 , comme disait le marquis, son père, et de surcroît inondé des grâces départies par l'Amour, que sa fin eût été enviable. Une angoisse le saisit soudain. Se pouvait-il qu'il se félicitât d'un trépas subit en état de péché ? Il entendait encore les sermons du chanoine Le Floch, exhortant le marquis à s'amender. Le Breton en lui réfléchit à la question, puis éclata de rire à la pensée qu'il n'aurait plus manqué à cette soirée qu'un peu de plomb dans sa tête. Le cocher le considérait stupéfait.
    — Monsieur se sent-il tout à fait bien ? Faut-il quérir du secours ? Si le docteur apprenait que…
    — Allons, remontons dans notre barque et traversons le Styx ! Tout va bien, brave Charon 120  ! À Paris, et vite.
    Au passage il ramassa son tricorne et découvrit la raison de son salut. On l'avait bellement visé, mais la balle venue, par la volonté de la providence, frapper le petit pistolet de Bourdeau s'était logée, écrasée, dans la crosse de l'arme. Il s'en était fallu d'une ligne 121 que tout se conclût dans cette triste campagne. Pour la première fois il frémit. Puis sa pensée fut emplie de gratitude pour Bourdeau qui, le jour où il lui avait remis cet objet, ignorait qu'il était destiné à sauver la vie de son chef, et cela à plusieurs reprises. À quoi tenait le destin d'un homme ? Un vulgaire assemblage de bois et d'acier soudain opposé à une bille de plomb ! Combien de hasards et de trajectoires inscrits de toute éternité avaient dû s'infléchir et s'entrecroiser pour en arriver là !
    Dans la voiture, alors que transi de froid il

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