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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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conversation se poursuivit au salon. Freluche s'était assise sur le sol aux pieds de Nicolas. Au bout d'un moment sa tête s'inclina et elle s'endormit contre ses genoux. La fatigue et les vapeurs du souper menèrent la soirée vers son achèvement et Semacgus proposa de conduire ses hôtes dans l'aile de la maison où se trouvaient des chambres bien connues de Nicolas pour les avoir si souvent occupées à l'issue de parties à Vaugirard. Tout en se levant avec précaution, il prit dans ses bras Freluche dont la tête roula contre son cou. Elle était légère et parfumée d'une senteur entêtante. Elle se serra instinctivement contre lui et il en éprouva une étrange émotion. Il surprit les regards attendris de Semacgus et d'Awa. Le chirurgien les laissa à l'entrée du couloir et leur souhaita bonne nuit. Nicolas ouvrit une porte sur la chambre abritant une alcôve à la couche ouverte. Seul le feu éclairait la scène. Il approcha du lit et, avec maladresse, voulut ôter à Freluche le madras qui la coiffait. Il fit tomber un peigne, un chignon se dénoua et un flot de cheveux se répandit enveloppant sa main. Au moment où il la déposait, il se prit les pieds dans la robe qui se défit, dévoilant le corps glorieux de la jeune femme. Il faillit la lâcher quand, dans un mouvement qui pouvait être involontaire, elle se suspendit à son cou, le faisant choir sur elle. Elle se cambra en soupirant, le bout d'un sein effleura les lèvres de Nicolas. Énervé il s'attendrit, brûla, et succomba.
    Il l'aime, nul amant n'a jamais autant aimé
    Il l'aime et vient encor, tout plein de son image
    Demander à Vénus de l'aimer davantage 117 .
    Au petit matin, alors qu'heureux et fourbu il s'étirait, il s'aperçut que Freluche avait disparu et, avec elle, son manteau.

VIII
    CURÉE FROIDE
    Tu sais bien qu'ici-bas
    Sans trouver quelque embûche on ne peut faire un pas.
    Regnard

    Jeudi 13 février 1777
    Ce fut en vain que toute la maisonnée se mit en quête de la jeune femme. On releva seulement quelques indices : portes encore entrouvertes, hardes des domestiques disparues et, au bout du compte, une certitude : le cocher qui devait prendre Nicolas n'était pas au rendez-vous. Il fut supposé que Freluche, d'une manière ou d'une autre, l'avait persuadé de la conduire à Paris. Le commissaire, qui le connaissait bonhomme et naïf, était disposé à tout accroire, sauf à penser qu'il aurait pu se laisser entraîner vers une autre destination que la capitale. Dès qu'il pourrait, il interrogerait le phaéton sur le lieu où il avait déposé la jeune femme. Il ne se faisait guère d'illusions : une fois à Paris, elle s'était perdue dans la foule et se garderait bien de pointer son nez aux reposées où l'on pouvait supposer la retrouver. On ferait buisson creux en essayant de débucher la chevrette. Comment expliquer cette disparition ? Quelles décisives raisons avaient soudain entraîné la jeune femme à s'évanouir ainsi, alors qu'elle venait de trouver aide et protection ? Quel incident particulier, quelle incoercible panique, justifiaient-ils pareille conduite ? Peut-être, avait-elle agi comme un oiseau qui, aussitôt desserrée la main qui le tient, s'envole à tire-d'aile ? Il soupçonnait autre chose sans parvenir à la concevoir. Le bonheur de la soirée et de la nuit à Vaugirard en fut assombri.
    Semacgus fit atteler pour permettre à Nicolas de rejoindre Paris au plus vite. L'aube s'annonçait maussade. Par un brusque ressaut, la froidure laissait la place à une tiédeur humide. Un brouillard épais flottait à hauteur d'homme, confondant chaque chose. À mi-chemin des Invalides, une charrette embourbée dans une fondrière bloquait le passage. Le cocher hurla pour arrêter l'attelage, moulina le frein et descendit pour prêter main-forte. Nicolas fit de même, mais constata avec surprise l'étrangeté de la situation. Il n'y avait personne aux alentours. Sans doute le charretier était-il allé chercher de l'aide ? Nicolas s'approcha et entreprit de calmer un gros cheval de trait qui hennissait en tapant des sabots. Il lui parla doucement ; l'animal se calma, frissonnant sous la douce main qui lui flattait les naseaux.
    Un tour de force était nécessaire pour désembourber le charroi. Le lieu était désert sans aucune aide possible. Des murs de vergers, des masures, des taillis informes, un chantier abandonné et un moulin en ruines les entouraient. Dans le même instant où il fixait les

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