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Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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à le protéger. À condition de savoir où allaient les attaquants, j’aurais
pu placer dans toutes les maisonnettes des hommes qui auraient surgi à leur arrivée
et en auraient tué quelques-uns, mais dans la nuit beaucoup en auraient
réchappé. Et moi, je voulais que ces pillards succombent jusqu’au dernier, Danes
comme Norses, sauf un, que j’aurais envoyé à l’est raconter dans les camps
vikings des bords de la Temse qu’Uhtred de Bebbanburg les attendait.
    — Pauvres diables, murmura Ralla.
    Au sud, par les branches enchevêtrées, j’apercevais
la lueur rouge de chaumes incendiés qui s’élevait dans le ciel et se reflétait
sur les casques de mes hommes. Je leur criai de les ôter pour éviter que les
sentinelles ennemies les aperçoivent. J’enlevai le mien, orné de sa tête de
loup en argent.
    Moi, Uhtred, seigneur de Bebbanburg, en ces
temps, j’étais un seigneur de guerre, vêtu de maille et de cuir, drapé de ma
cape et armé, jeune et fort. La moitié de mes soldats se trouvaient sur le
navire de Ralla et l’autre à cheval quelque part à l’ouest sous le commandement
de Finan.
    Du moins l’espérais-je. Sur le navire, nous
avions eu la tâche facile de glisser sur l’eau noire pour rejoindre l’ennemi, alors
que Finan avait dû conduire ses troupes par les terres plongées dans la nuit. Mais
je lui faisais confiance. Il serait là, impatient de tirer son épée.
    En ce long hiver humide, ce n’était pas la
première embuscade que nous tentions de dresser sur la Temse, mais celle qui
promettait le succès. À deux reprises, on m’avait informé que des Vikings
avaient franchi la brèche du pont de Lundene pour attaquer les petits villages
replets du Wessex, et à deux reprises nous avions accouru et étions restés
bredouilles. Mais cette fois les loups étaient pris au piège. J’effleurai la
poignée de Souffle-de-Serpent, mon épée, puis le marteau de Thor que je portais
au cou.
    Tue-les tous, priai-je
Thor, tous sauf un.
    Il devait faire froid cette nuit-là. Le fleuve
en crue avait envahi les fossés dans les champs et laissé de la glace, mais je
ne me rappelle pas ce froid. Je me souviens de l’impatience. J’effleurai de
nouveau mon épée, qui me sembla frémir. Parfois, je me disais que la lame
chantait. C’était un chant délicat, presque inaudible, celui de la lame qui
appelle le sang : le chant de l’épée.
    Nous attendîmes, puis, quand ce fut fini, Ralla
me déclara que je n’avais cessé de sourire.
    Je pensais que notre
embuscade échouerait, car les pillards ne retournèrent à leur navire que
lorsque l’aube parut. Je crus que leurs sentinelles nous avaient repérés, mais
non. Soit les bosquets de saules nous dissimulaient, soit c’était le soleil
levant qui les aveuglait.
    Nous les voyions, ces hommes cuirassés qui menaient
un troupeau de femmes et d’enfants dans les prairies inondées. Ils étaient une
cinquantaine pour autant de captifs. C’étaient les jeunes femmes du village
incendié, capturées pour le plaisir des guerriers. Les enfants finiraient au
marché aux esclaves de Lundene, puis rejoindraient la Franquie ou des contrées
plus lointaines encore. Ayant servi, les femmes seraient elles aussi vendues. Sans
les entendre, j’imaginais leurs sanglots, tandis qu’au sud, dans les basses
collines, un nuage de fumée qui souillait le clair ciel hivernal rappelait l’incendie
du village.
    Ralla s’ébroua.
    — Attends, murmurai-je.
    Il s’immobilisa. C’était un homme grisonnant, de
dix ans mon aîné, aux yeux plissés d’avoir contemplé la mer éblouissante
pendant tant d’années. C’était un capitaine de navire, un soldat et un ami.
    — Pas encore, murmurai-je en touchant
Souffle-de-Serpent et en sentant frémir l’acier.
    Les pillards insouciants riaient et poussaient
leurs prisonniers à bord, les forçant à s’accroupir dans la cale noyée d’eau
glacée pour que le navire reste stable quand il passerait les hauts-fonds
rocheux de la Temse, où seuls naviguent les meilleurs marins. Ils emportaient
leur butin de chaudrons, broches et bêches, tout ce qui était en métal et
susceptible d’être fondu ou utilisé. C’étaient les rires rauques et sans
inquiétude d’hommes qui ont tué et vont devenir riches.
    Et Souffle-de-Serpent murmurait son chant dans
son fourreau.
    J’entendis les avirons claquer et une voix
rugir un ordre.
    La proue ornée d’une tête de monstre apparut
sur la rivière tandis que

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