Le Chant des sorcières tome 2
dans la crypte, Plantine prenant soin de passer derrière. Advint ce qu'elle avait prévu. La vouivre tua la véritable et dernière des Harpies et Plantine s'attacha à la descendance de ceux qui héritaient du château de Sassenage pour vous attendre, Hélène et toi.
— Pourquoi Mélusine ne se libère-t-elle pas puisque Plantine l'a pu ? s'étonna Algonde que tous ces mensonges laissaient amère.
— Plantine n'a pu briser l'enchantement qu'en laissant une autre à sa place. Mélusine est soumise à la même contrainte. Pourquoi crois-tu qu'elle t'ait demandé d'ingérer une partie de l'œuf noir sinon pour que les pouvoirs que tu as reçus deviennent permanents en toi ? Elle veut te voir la remplacer dans le Furon, Algonde. Aurais-tu accepté ton sacrifice si tu avais su la vérité ?
Algonde s'était sentie rattrapée par une colère sourde. À présent tout était clair. Mélusine s'était bel et bien jouée d'elle. Son poing rageur s'était écrasé sur la table et avait fait sursauter les petits objets qui s'y trouvaient.
— Elle peut toujours attendre. Jamais je ne la délivrerai ! Quoi que Marthe me fasse. Jamais !
Présine avait secoué la tête.
— Ce ne sera pas aussi évident. Bien qu'elles semblent alliées, Plantine n'a aucunement l'intention de partager le trône des Hautes Terres avec sa sœur. Seulement elle ne peut tuer Mélusine que de ses propres mains. Or, si Plantine a récupéré les pouvoirs maléfiques de la seconde des Harpies, elle en a pris aussi les faiblesses. Elle est devenue vulnérable au venin de la vouivre. Tant que Mélusine est sous la protection de cette dernière, elle ne peut rien. Plantine doit te laisser la libérer pour pouvoir se débarrasser d'elle. Mélusine le sait, qui a sans doute préparé ses arrières. Comprends-tu à présent ton importance pour elles ? Seule une femme de leur sang pouvait survivre à la vouivre et par là-même les délivrer toutes deux.
— Jamais ! avait répété Algonde en bondissant du banc.
Présine l'avait rejointe en bout de table et avait pris chaleureusement ses mains dans les siennes. Elles étaient glacées de rancœur.
— Il faut que tu t'attendes au pire, Algonde. Mélusine et Plantine n'auront aucune pitié parce qu'elles n'ont pas le choix. Quelle que soit l'issue de leur guerre, celle qui vaincra devra trouver le moyen de regagner les Hautes Terres si elle veut récupérer son immortalité et sa souveraine beauté.
Un feu ardent s'était allumé au cœur d'Algonde. Elle s'était dégagée, et, reculant d'un pas, avait couvert sa grand-mère d'un œil de reproche.
— Pourquoi ne les avez-vous pas éliminées, vous ou Merlin, et laissé ensuite la prophétie s'accomplir ?
Présine avait soupiré.
— Je comprends ta colère, Algonde. Mais tu étais seule capable, par le lien qui te tenait à lui, de rendre l'épervier vulnérable aux flèches. Je le sais, j'ai tenté de l'abattre. Cela n'a servi qu'à mettre mes filles sur leurs gardes. La vouivre me changerait en statue de sel si je pénétrais dans la crypte et je ne suis plus de taille contre Plantine. Quant à Merlin, il aurait pu sans doute les vaincre toutes deux, mais pas sans provoquer d'importants bouleversements dans ce monde. Nous n'avions d'autre solution que d'attendre.
— Attendre quoi ? avait grogné Algonde qui, ne voyant pas comment se sortir de ce piège, s'était mise à marteler le sol terreux de la pièce à grandes enjambées rageuses.
Adossée au bout de la table, Présine l'avait regardée aller et venir, un sourire triste au coin des lèvres.
— Ta fille, celle que Mathieu a ensemencée en toi, et qui se nourrit autant de toi que du poison de la vouivre.
Algonde s'était figée. Elle avait couvert Présine d'un regard hébété.
— Ma fille ?
Présine avait hoché la tête et les mains d'Algonde étaient venues se poser sur la légère boursouflure de son ventre. Elle savait. Inconsciemment elle savait. Sa colère était retombée d'un coup. Déjà Présine avait enchaîné :
— Ses pouvoirs seront immenses et je ne doute pas qu'ils viennent à bout de Mélusine et Plantine, sans conséquence funeste pour ton monde. Mais j'aurais aimé que Merlin fût à nos côtés encore.
Hélas, peu après la naissance de ton père, la fontaine de Barenton s'est tarie. La dernière des portes magiques s'est refermée et Merlin n'a plus donné signe de vie. Il existe bien un antique passage depuis les Hautes Terres,
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