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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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gloire qui peut revenir des succès militaires. »
     
    Il attend, s’enfonce plus avant encore en Styrie, atteint Judenburg, Leoben.
    Ces nouvelles victoires – Neumarkt, Unzmarkt – ne lui procurent aucun plaisir. Elles sont fades après Lodi, Arcole, Rivoli.
    Peut-être est-ce la guerre elle-même dont il a épuisé les émotions les plus fortes ? Au début, elle l’enfiévrait. Mais voilà près d’un an qu’il s’y livre quotidiennement, qu’il voit des morts jusqu’à la nausée, qu’il a vu tomber les meilleurs, Muiron au pont d’Arcole pour lui sauver la vie. Il sait maintenant, à près de vingt-huit ans, que la guerre n’est qu’un moyen, un outil dont il connaît bien des facettes. Mais peut-elle encore surprendre ? C’est ce qu’on obtient grâce à elle qui l’attire : la gloire, le pouvoir sur les hommes, non pas ceux qui marchent au pas mais tous les hommes dans leur vie quotidienne, leurs institutions et leurs plaisirs.
    Il regarde autour de lui ces officiers, aides de camp, généraux, Joubert, Masséna, Bernadotte. Ils sont de bons soldats, courageux, talentueux. Mais lui est déjà au-delà, parmi ceux qui ne se contentent pas de diriger une armée, même comme généraux en chef, mais qui décident pour toutes les armées. Ceux qui détiennent le pouvoir politique.
    Ceux ou celui ?
    Mais s’il veut être de ceux-là, ou, pourquoi ne pas oser le penser, celui-là, il faut affronter les détenteurs de la puissance à Paris.
     
    Il connaît les cinq Directeurs, Barras, Carnot, Reubell, Barthélemy, La Révellière-Lépeaux. Il a été, le 13 vendémiaire, le bras armé de Barras. Ces hommes ne s’embarrassent guère du respect des lois. Il a vécu la Révolution. Il sait bien que, comme sur un champ de bataille, ce qui tranche, c’est l’épée, c’est-à-dire le rapport des forces.
    Il appelle l’un de ses aides de camp, Lavalette. L’officier s’incline. Cette politesse respectueuse mais sans obséquiosité, cet « air de bonne compagnie », Napoléon les reconnaît. Ce sont ceux des aristocrates, des anciens royalistes.
    Lavalette est fidèle, intelligent. Il doit être un excellent agent de renseignement : Napoléon le fait asseoir.
    Que Lavalette voie Carnot. Celui-ci est, avec Barthélemy, proche des milieux royalistes qu’on retrouve dans le club de Clichy. Par souci de stabilité, Carnot serait-il prêt à liquider la République ? Il faut savoir ce que cet homme-là pense, prépare. Des élections doivent avoir lieu dans quelques semaines. Tout indique que les royalistes vont l’emporter. En face, les triumvirs Barras, Reubell, La Révellière-Lépeaux sont sans doute décidés à recommencer Vendémiaire.
    Napoléon va et vient. Ce jeu l’excite. Il s’y sent habile. C’est une guerre, mais souterraine, feutrée. Un jeu d’échecs. Un affrontement comme sur un champ de bataille, mais avec des règles plus complexes, des joueurs plus habiles, des cases et des pièces plus nombreuses. La guerre, ce serait le jeu de dames. La politique, le jeu d’échecs.
    Et cet échiquier serait lui-même soumis à des forces multiples qui pourraient se déclencher tout à coup, balayer les pièces et les joueurs. Napoléon se souvient de ces scènes dans la cour des Tuileries, ces femmes du 10 août en furie mutilant les corps morts des Suisses.
    — La démocratie peut être furieuse, murmure-t-il, mais elle a des entrailles et on l’émeut.
    Il faut que Lavalette s’emploie à créer des journaux, à rencontrer les écrivains, les journalistes, ceux qui pèsent sur l’opinion. Qu’on sache partout qui est Bonaparte, ce qu’il a fait, ce qu’il veut : la paix. Ces orateurs, ces romanciers, ces poètes, ces peintres, il faut qu’ils parlent des exploits du génénral Bonaparte.
    Lavalette approuve.
    — L’aristocratie, poursuit Napoléon, demeure toujours froide, n’est-ce pas ? Elle ne pardonne jamais.
    Puis il donne ses consignes. Que Lavalette voie Carnot, répète-t-il. Il faut rassurer Carnot, l’endormir.
    — Dites-lui, comme une opinion qui vient de vous, qu’à la première occasion je me retirerai des affaires ; que si elle tarde, je donnerai ma démission ; saisissez bien l’effet que cela fera sur lui.
    Le 13 vendémiaire, il avait été l’homme de Barras. Cette fois-ci, il ne joue qu’à son seul profit.
     
    La scène se met en place. Le 13 avril 1797, dans la petite ville de Leoben, les deux plénipotentiaires autrichiens demandent à être

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