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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Vous tenez le sort de la France entière dans vos mains. Signez la paix et vous la faites changer de face comme par enchantement. Dussiez-vous la faire sur les seules bases du traité préliminaire de Leoben, concluez-la… Et alors, mon cher général, venez jouir des bénédictions du peuple français tout entier qui vous appellera son bienfaiteur. Venez étonner les Parisiens par votre modération et votre philosophie. »
    Napoléon relit le courrier.
    Il aime ce printemps 1797.

26.
    Il a vingt-huit ans. Il apprend à régner.
    Il a décidé qu’il logerait avec les siens, sa famille arrivée de Marseille, son état-major, ses invités, cette foule qui maintenant l’entoure au château de Mombello, à douze kilomètres de Milan, une villa somptueuse qu’il a choisie pour fuir les chaleurs de l’été lombard.
    Joséphine est à ses côtés. Enfin !
    Il la voit à chaque instant, quand il veut. Tout change, même avec une épouse, quand on règne. Elle ne se rend plus sur le Corso, cette promenade des élégantes milanaises qui, dans leurs voitures basses, les bastardelle , s’en vont se faire admirer par les cavaliers qui chevauchent à leur hauteur puis s’arrêtent pour prendre des glaces au café Corsia de Servi . Il n’appréciait pas cette pressante cour d’officiers.
    Ici, à Mombello, ils sont toujours autour d’elle, mais ils le craignent.
    Il aime voir Joséphine présider les dîners qu’on donne tous les soirs sous une grande tente élevée dans le parc. La table est dressée pour quarante couverts.
    Napoléon parle, on l’écoute religieusement, chacun tourne la tête vers lui. Il est le maître. Il impose la frugalité des menus : soupe, bouilli, entrée, salade et fruits, et un seul vin.
    Il régente ce monde : ses soeurs Pauline et Caroline, son frère Jérôme, Eugène et Hortense de Beauharnais.
    Souvent il sent peser sur lui le regard de sa mère et il surprend aussi le coup d’oeil qu’elle jette à Joséphine. Elle ne l’aime pas, mais Joséphine ici est à sa place, entourée par les diplomates autrichiens ou napolitains, tous aristocrates. Il l’observe. Elle a la grâce et l’élégance de la vicomtesse qu’elle a été. Il est saisi parfois d’un brusque désir. Il l’entraîne alors. Peu importe ce que pensent les convives de son attitude.
    Il a, lors d’une excursion au lac Majeur en compagnie de Berthier et du diplomate Miot de Mélito, mesuré la gêne des deux hommes qui baissaient les yeux quand il se permettait d’enlacer Joséphine. Mais quoi ! Elle est son épouse, et c’est lui qui fixe les règles.
    Cela fait longtemps qu’il ne s’est senti aussi joyeux, aussi léger, peut-être même est-ce la première fois. Son corps reprend des forces. L’énergie ne lui a jamais manqué, mais peu à peu il chasse hors de lui la fatigue comme cette mauvaise gale qui le démange de moins en moins souvent.
    Il décide de la vie des uns et des autres, et il éprouve à cela une joie profonde, peut-être l’une des plus fortes qu’il ait ressenties. Sa soeur Élisa a épousé à Marseille un modeste capitaine corse, Félix Bacciocchi. Soit. Il réprouve mais il est contraint d’accepter. Mais on célébrera le mariage religieux à la chapelle du château, en même temps que celui qu’il a voulu entre sa plus jeune soeur Pauline et le général Leclerc. De Bacciocchi, puisque les Anglais ont quitté la Corse depuis le mois d’octobre 1796, on fera un commandant des défenses d’Ajaccio. Joseph, maintenant que les paolistes sont partis dans les bagages des Anglais, a réussi à se faire élire député d’Ajaccio au Conseil des Cinq-Cents, un des rares élus comptés comme jacobins dans une majorité de députés aux tentations monarchistes. On fera de Joseph l’ambassadeur de la République à Rome. Ce sont des faveurs que les Directeurs ne peuvent refuser. Louis Bonaparte est déjà capitaine. Lucien, l’indépendant, l’ambitieux, est Commissaire aux armées, à celle du Nord, du Rhin, puis en Corse, mais surtout il traîne à Paris. Quant à celle vêtue de noir, devant laquelle tous s’inclinent avec respect, Letizia Bonaparte, puisqu’elle veut rentrer en Corse, on organise en souverain son voyage de retour.
    Cette impression de puissance, cette certitude d’agir sur le destin des gens, quelle confiance en soi elles donnent !
    Il sort sur le perron. Au loin, il aperçoit les sommets encore enneigés des Alpes. À quelques pas derrière lui se tiennent

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