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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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bras… Toutes les forces de l’Empereur sont en mouvement et dans tous les États de la maison d’Autriche, on se met en mesure de s’opposer à nous. » Il pense à ces forces françaises qui restent l’arme au pied, là-bas, sur le Rhin. « Si l’on tarde à passer le Rhin, ajoute-t-il, il sera impossible que nous nous soutenions longtemps. »
    Mais les armées de Moreau demeurent immobiles sur les bords du Rhin ; celle de Sambre-et-Meuse, reprise en main par Hoche, semble vouloir attaquer, mais quand ?
    Et si eux remportaient la victoire sur l’Autriche, l’ennemi principal, si eux obtenaient que Vienne signe la paix, que resterait-il de la gloire de l’armée d’Italie et de son général en chef ?
    Voilà plusieurs nuits que cette question le tourmente.
    À Ancône, à Tolentino, en attendant les envoyés du pape, dans l’humidité d’une fin d’hiver pluvieuse, il a médité seul, marchant à grands pas dans sa chambre, renvoyant les aides de camp qui se présentaient.
    Pour qui combat-il ? Pour qui, ces victoires qu’il a remportées ? Pour les hommes du Directoire, ces avocats, ces « badauds », ou pour lui ?
    Sa peau, durant ces nuits de février 1797, s’est à nouveau couverte de pustules et de dartres. Il a voulu écrire à Joséphine, mais les mots ne sont pas venus, comme si l’interrogation qui l’empoigne était trop forte pour permettre l’expression d’une autre passion.
    Sa vie se joue. Les cartes qu’il lance, c’est pour lui. Pourquoi faudrait-il laisser conduire le jeu par des hommes qui lui sont inférieurs ? Quelles sont leurs vertus ? Ils sont avides. Ils pensent à leur pouvoir. Ont-ils jamais risqué leur vie dans une bataille ? Savent-ils ce que l’on ressent lorsqu’on traverse un pont sous la mitraille ? De quel droit dictent-ils leur volonté ? Élus par le peuple ? En apparence. En fait, ils ont taillé une Constitution pour conserver leurs sièges et leurs biens. Et ils font tirer au canon sur ceux qui la contestent. Et ce sont ceux-là qui rafleraient la mise ? Au nom de la France, au nom des Français ?
    N’ai-je pas déjà fait plus qu’ils ne feront jamais ?
    Je joue pour moi .
    Il faut vaincre l’archiduc Charles et engager des négociations avec Vienne pour être non seulement le général victorieux, mais aussi l’homme de la paix.
    Il faut agir vite, parce qu’on ne peut mettre à genoux l’Autriche avec une quarantaine de milliers d’hommes, et qu’il faut aussi songer à surveiller toutes ces villes et ces campagnes italiennes où la plus grande partie du peuple déteste les Français.
     
    Napoléon et ses armées marchent vers le nord-est.
    Le 12 mars, Napoléon franchit le Tagliamento. Joubert est à Bozen et à Brixen, Bernadotte à Trieste.
    Le 28 mars, Napoléon entre à Klagenfurt. Bientôt les avant-gardes arrivent à Leoben, au coeur de la Styrie. Et des hauteurs du Semmering, Napoléon aperçoit la grande plaine du Danube et, à une centaine de kilomètres, il imagine autant qu’il devine dans les brumes de l’horizon les coupoles et les toits de Vienne.
    Ne pas se laisser griser. S’en tenir au « système » qu’il a défini, victoire et paix le plus vite possible.
    Dès le 31 mars, dans sa tente, il a rédigé un message destiné à l’archiduc Charles. Il a insisté auprès de l’aide de camp qui allait s’avancer vers les lignes autrichiennes pour que le pli soit remis en main propre au général en chef autrichien. Puis il a regardé longuement l’officier s’éloigner dans les rues de Klagenfurt.
    Les mots qu’il a tracés et qui résonnent dans sa tête ont peu de chances d’être entendus. L’archiduc Charles n’est sûrement pas prêt à prendre des libertés avec les autorités de Vienne. Mais l’empereur d’Autriche n’est pas un « avocat » ou un « badaud » comme ceux qui gouvernent à Paris. Et ceux-là, parce que le peuple connaîtra ce message, seront contraints, un jour, de compter avec Napoléon.
    « Les braves militaires font la guerre et désirent la paix, a-t-il écrit. Avons-nous tué assez de monde et commis assez de maux à la triste humanité ? Elle réclame de tout côté… Êtes-vous décidé à mériter le titre de bienfaiteur de l’humanité et de sauveur de l’Allemagne ?… Quant à moi, si l’ouverture que j’ai l’honneur de vous faire peut sauver la vie à un seul homme, je m’estimerai plus fier de la couronne civique que je me trouverai avoir méritée que de la triste

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