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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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aboiements des chiens. Il se lève. Pauline Fourès, sa Bellilote, dort. Il va jusqu’à la fenêtre. Il aperçoit les minarets. Est-il possible qu’il demeure encore longtemps dans cette ville, maintenant qu’il sait qu’il ne pourra pas marcher vers Constantinople ou vers l’Inde ?
    Il descend l’escalier de marbre, il passe sa main sur le granit d’Assouan. Il doit quitter cette ville où il se sent désormais pris au piège de la répétition.
    Les chiens sont revenus hanter toutes les nuits du Caire. Il faudrait à nouveau les rabattre sur la place afin de les tuer. Et au bout de quelques semaines ils seraient encore là, courant en bandes dans les ruelles, hurlant à faire éclater la tête.
    Il faut partir, retrouver la France, l’Europe.
    Ce 21 juin, il commence donc à écrire à l’amiral Ganteaume d’avoir à tenir prêtes à appareiller les deux frégates qui sont en rade d’Alexandrie, la Muiron et la Carrère .
    Muiron, dont la mort sur le pont d’Arcole lui a sauvé la vie.
    C’est ainsi, les uns tombent, les autres continuent leur marche.
    Il retourne dans la chambre. Pauline Fourès n’a pas bougé.
     
    Partir ? Mais quand ?
    Il est à l’affût. Il sait qu’il lui faudra saisir l’instant, bondir, ne pas se laisser retenir. L’occasion viendra, il en est sûr, parce qu’une fois de plus ce choix est pour lui celui de la vie ou de la mort. Et la vie bat en lui si fort que c’est elle qui l’emportera.
    Peut-être devant Saint-Jean-d’Acre, là où son rêve s’est brisé, n’a-t-il pas assez voulu ? Ou bien son imagination l’a-t-elle emporté trop loin ?
    Il faudra que « le compas de son raisonnement » demeure le maître. Il ne doit pas céder à l’impatience, mais au contraire agir dans ce pays comme s’il comptait y demeurer toujours, masquer ses intentions, laisser à ceux qui resteront une conquête en ordre. Autant que faire se peut.
    Il se présente devant les notables du Divan, arrogant. Sa parole doit être assurée.
    — J’ai appris que des ennemis ont répandu le bruit de ma mort, dit-il. Regardez-moi bien, et assurez-vous que je suis réellement Bonaparte… Vous, membres du Divan, dénoncez-moi les hypocrites, les rebelles. Dieu m’a donné une puissance terrible. Quel châtiment les attend ! Mon épée est longue, elle ne connaît pas de faiblesse !
     
    Il va donc falloir continuer de tuer. C’est ainsi.
    Il reçoit, le 23 juin, le général Dugua, qui commande la citadelle. Que faire des prisonniers qui s’entassent ? Il faudrait économiser les cartouches, et aussi exécuter avec moins d’éclat, dit-il.
    Dugua hésite avant de poursuivre.
    — Je me propose, général, reprend-il, de faire appel au service d’un coupeur de têtes.
    — Accordé, dit Napoléon.
    La mort pour gouverner la vie.
    Les bourreaux sont des Égyptiens ou des Grecs. Et ce sont des musulmans qui noient les prostituées dans le Nil, en application de la loi islamique qui condamne les rapports entre une musulmane et un infidèle.
    Il faut les laisser faire. Les maladies vénériennes se répandent. Et l’armée doit être reprise en main, réorganisée, protégée, car les hommes et la discipline se sont relâchés, même au sommet de la hiérarchie.
    Kléber se moque. Napoléon regarde longuement ces caricatures qu’on lui a déposées sur sa table, et que Kléber a dessinées. Cet homme maigre qui semble possédé, malade, c’est lui, tel que le voit Kléber.
    On murmure contre lui dans cette armée qui est lasse.
    Le 29 juin, à la première réunion de l’Institut d’Égypte, le docteur Desgenettes s’est levé, furibond, parlant d’« adulation mercenaire », de « despote oriental », accusant Napoléon de vouloir faire de la peste la cause de l’issue de la campagne de Syrie, c’est-à-dire, en fait, de faire porter au médecin la responsabilité de la défaite.
    Ne pas répondre, attendre que Desgenettes retrouve son calme, dise : « Je sais, messieurs, je sais, général, puisque vous êtes ici autre chose que membre de l’Institut et que vous voulez être le chef partout. Je sais que j’ai été porté à dire avec chaleur des choses qui retentiront loin d’ici ; mais je ne rétracte pas un seul mot… Et je me réfugie dans la reconnaissance de l’armée. »
     
    Chaque jour qui passe le confirme donc : il doit quitter l’Égypte, mais il a besoin d’une victoire éclatante, sinon son départ, quels que soient les efforts qu’il ait faits pour

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