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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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perdu en lui un neveu obéissant, reconnaissant… La patrie, j’ose même le dire, a perdu par sa mort un citoyen éclairé et désintéressé… Et cependant le ciel le fait mourir, en quel endroit ? À cent lieues de son pays, dans une contrée étrangère, indifférente à son existence, éloigné de tout ce qu’il avait de plus précieux. Un fils, il est vrai, l’a assisté dans ce moment terrible, ce doit être pour lui une consolation bien grande, mais certainement pas comparable à la triple joie qu’il aurait éprouvée s’il avait terminé sa carrière dans sa maison, près de son épouse et de toute sa famille. Mais l’Être Suprême ne l’a pas ainsi permis. Sa volonté est immuable. Lui seul peut nous consoler. Hélas ! Du moins, s’il nous a privés de ce que nous avions de plus cher, il nous a encore laissé des personnes qui seules peuvent le remplacer. Daignez donc nous tenir lieu du père que nous avons perdu. Notre attachement, notre reconnaissance sera proportionnelle à un service si grand.
    « Je finis en vous souhaitant une santé semblable à la mienne.
    « Napoleone di Buonaparte. »
    Il relit. Le choix du tuteur est bon. L’archidiacre est un notable fortuné. Il acceptera cette charge que cet adolescent qui n’a pas seize ans lui demande d’assumer avec une autorité grave, où l’émotion s’allie à la raison.
    Cinq jours plus tard, le 28 mars 1785, Bonaparte écrit la deuxième lettre, celle destinée à sa mère.
    « Ma chère mère,
    « C’est aujourd’hui que le temps a un peu calmé les premiers transports de ma douleur, que je m’empresse de vous témoigner la reconnaissance que m’inspirent les bontés que vous avez eues pour nous.
    « Consolez-vous, ma chère mère, les circonstances l’exigent. Nous redoublerons de soins et de reconnaissance, et heureux si nous pouvons par notre obéissance vous dédommager un peu de l’inestimable perte de cet époux chéri.
    « Je termine, ma chère mère, ma douleur me l’ordonne, en vous priant de calmer la vôtre. Ma santé est parfaite, et je prie tous les jours que le ciel vous gratifie d’une semblable.
    « Présentez mes respects à Zia Gertrude, Minana Saveria, Minana Fesch, etc.
    « P.S. : La reine de France est accouchée d’un prince, nommé le duc de Normandie, le 27 mars, à sept heures du soir.
    « Votre très affectionné fils,
    « Napoleone di Buonaparte. »
    Maintenant, l’encre à peine séchée, la plaie encore ouverte, il faut se remettre au travail. Point d’hésitation : « Ma douleur me l’ordonne. »
    Quand, au début du mois de septembre 1785, l’académicien Laplace pénètre dans la salle de l’École Militaire préparée pour l’examen des cadets-gentilshommes qui se destinent à l’artillerie, Napoléon est prêt.
    Il entre à son tour.
    Laplace est là, vêtu de noir, les yeux à demi cachés par un lorgnon. Il a l’aspect sévère, les gestes graves, mais sa voix est douce, son ton bienveillant. Il est, avec les candidats qui s’avancent paralysés par l’anxiété, puisque toute leur carrière dépendra de leurs réponses, d’une politesse extrême.
    Napoléon ne perd pas ses moyens.
    Il regarde l’estrade sur laquelle on a disposé deux tableaux d’ardoise réservés aux figures et aux démonstrations. Des rideaux de toile anglaise sont pendus aux fenêtres. Des tables sont alignées pour porter les dessins. Des bancs étagés, couverts de damas d’Abbeville, accueillent les officiers d’artillerie qui se trouvent à Paris, les deux représentants du Premier inspecteur des Écoles, le colonel d’Angenoust, et son chef de bureau, le commissaire des Guerres Roland de Bellebrune. Car le concours est public.
    Napoléon s’avance.
    Il trace d’un mouvement nerveux les figures. Il répond d’un ton sec et précis aux questions. Il écrit les équations sur les tableaux. Il connaît dans le détail les quatre volumes du Traité des mathématiques de Bezout. Il ne commet que de légères erreurs.
     
    Le 28 septembre 1785, son nom est le quarante-deuxième de la liste des cinquante-huit jeunes gens admis comme lieutenants en second dans l’arme de l’artillerie. Parmi eux, il dénombre quatre cadets-gentilshommes de l’École Militaire de Paris.
    Devant lui, Picot de Peccaduc, 39 e , et Phélippeaux, 41 e . Des Mazis, son ami, n’est que 56 e .
    Il exulte.
    Il marche à grands pas dans la cour de récréation, puis sur le terrain de la promenade.
    Il a atteint son but. En dix

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