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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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d’abord à Carnot, qui est en charge des affaires de la Guerre. Quel est ce plan qu’on lui transmet ? Qui l’a dressé ? « L’un de ces forcenés qui croient que l’on peut prendre la lune avec ses dents ? Un de ces individus rongés par l’ambition et avides de places supérieures à leurs forces ? »
    Alors que les soldats entraînent les Jacobins arrêtés, Napoléon rêve à un vrai et grand commandement.
    Carnot lui fait part des réactions sceptiques ou hostiles des généraux Schérer et Ritter qui condamnent son plan pour l’Italie. Mais en même temps Carnot laisse entendre qu’on pourrait lui accorder le commandement de cette armée d’Italie.
    Napoléon se reproche encore d’avoir révélé ses certitudes, ses ambitions. « Si j’étais là, s’est-il écrié, les Autrichiens seraient culbutés ! » Carnot a murmuré : « Vous irez. »
    Mais, depuis, rien, sinon des rumeurs et des rumeurs et des ragots colportés par les envieux. Napoléon écoute Louis les rapporter. Son frère les recueille dans les antichambres, auprès des aides de camp fidèles qui s’indignent.
    On dit que Bonaparte bénéficie de la protection de Barras. Celui-ci voudrait se débarrasser de son ancienne maîtresse Joséphine en la gratifiant d’un mari doté. Pourquoi pas Bonaparte, auquel on concéderait le commandement de l’armée d’Italie ?
    Napoléon enrage.
    — Croient-ils, s’exclame-t-il, que j’ai besoin de protection pour parvenir ? Ils seront tous trop heureux que je veuille leur accorder la mienne. Mon épée est à mon côté, et avec elle j’irai loin.
    — Cette femme, murmure Louis, ce projet de mariage.
    Napoléon fixe son frère, qui recule et sort.
     
    Que peuvent-ils comprendre, les autres, à ce que je ressens ?
    Il a pris Joséphine contre lui et elle s’est pliée, si souple, offrant ses hanches, son sexe, puis, ainsi cambrée, il l’a portée jusqu’au lit.
    Elle est à lui, cette femme aux mains expertes, aux doigts longs, cette femme qui est soie et douceur et qu’il serre avec une si grande fougue, un désir si intense qu’elle semble défaillir, qu’elle tente de le repousser avant de se laisser aller, abandonnée, puis si tendre. Et cependant il a le sentiment qu’elle glisse entre ses bras et qu’au moment où il croit la prendre, où il la prend, elle est absente, ailleurs.
    Que savent-ils, les autres, de ces nuits où il la retrouve, où il écarte ses voiles, sans même retirer son uniforme et ses bottes ? Elle est la femme du moment de sa vie où enfin il est lui-même. Elle est sa victoire faite chair et plaisir. Une victoire vivante, qui ne s’épuise pas dès lors qu’on l’a acquise, mais qui au contraire avive la passion.
    Il lui écrit :
    « Je me réveille plein de toi. Ton portrait et l’enivrante soirée d’hier n’ont point laissé de repos à mes sens : douce et incomparable Joséphine, quel effet bizarre faites-vous sur mon coeur ! Vous fâchez-vous, vous vois-je triste, êtes-vous inquiète, mon âme est brisée de douleur et il n’est point de repos pour votre ami. Mais en est-il donc davantage pour moi lorsque, me livrant au sentiment profond qui me maîtrise, je puise sur vos lèvres, sur votre coeur une flamme qui me brûle ? Ah ! C’est cette nuit que je me suis aperçu que votre portrait n’est pas vous. Tu pars à midi, je te verrai dans trois heures. En attendant, mio dolce amore , un million de baisers, mais ne m’en donne pas, car ils brûlent mon sang ! »
     
    Il pense sans cesse à ce corps, à cette femme. Il veut la tenir emprisonnée entre ses bras, comme s’il s’assurait ainsi non seulement d’elle, mais de tout ce qu’elle représente, son passé, ses amitiés, peut-être sa fortune, sa place dans cette société parisienne où il sait bien qu’il n’est encore parvenu que sur le seuil.
    Avec elle à son bras, il fait définitivement partie de ce monde où il est entré en une nuit de guerre civile, sous l’averse du 13 Vendémiaire. Il veut, grâce à cette femme, proclamer sa victoire, le rang qu’il a acquis. Il veut s’assurer d’elle toutes les nuits, quand il aura le désir de la prendre, parce qu’elle sera son épouse.
    Mais Joséphine se dérobe. L’attendant dans l’antichambre d’un notaire, M e Raguideau, où elle a voulu se rendre, Napoléon approche de la porte entrouverte. Il entend le notaire bougonner : « Eh quoi, épouser un général qui n’a que la cape et l’épée, la belle affaire que

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