LE CHÂTEAU DANGEREUX
la ville de Douglas, y entra par la porte du sud, et remonta la rue dans laquelle sir Aymer de Valence avait chargé le fantôme.
Nous pouvons maintenant dire plus complétement que l’église de Douglas avait été originairement un superbe édifice gothique dont les tours, s’élevant de beaucoup au dessus des murailles de la ville, témoignaient de la grandeur de sa construction première. Elle était alors en partie ruinée ; et la petite portion d’espace libre qui fût encore consacré au service de la religion se trouvait être l’aile de famille où les anciens lords de Douglas se reposaient des fatigues du monde et des travaux de la guerre. De l’esplanade, située en face de l’édifice, leurs yeux purent suivre une grande partie du cours de la rivière Douglas qui se rapprochait de la ville vers le sud-ouest, bordée par une ligne de collines capricieusement variées de formes, et, en plusieurs endroits, couvertes de bois taillis qui descendaient vers la vallée et formaient une espèce de bois épais et fourré dont la ville était environnée. La rivière elle-même, coulant à l’ouest autour de la ville, et de là se dirigeant vers le nord, entretenait le grand lac ou pièce d’eau artificielle dont nous avons déja parlé. Grand nombre d’Écossais, portant des branches de saule ou d’if pour représenter les rameaux qui étaient l’emblème du jour, semblaient attendre, dans le cimetière, l’arrivée de quelque personne d’une sainteté remarquable, ou une procession de moines et de religieux venant assister à la cérémonie du jour. Au moment ou Bertram et son compagnon entraient dans le cimetière, lady de Berkely, qui suivait sir John de Walton à l’église, après avoir été témoin de son combat singulier avec le jeune chevalier de Douglas, aperçut son fidèle ménestrel, et résolut aussitôt de rentrer dans la compagnie de cet ancien serviteur de sa maison, et de ce confident de ses aventures, comptant bien qu’elle serait ensuite rejointe par sir John de Walton, avec une force suffisante pour garantir sa sûreté, car elle ne doutait pas que son premier soin fût de le faire. Elle s’écarta donc du chemin par lequel elle avançait, et se dirigea vers l’endroit où Bertram et sa nouvelle connaissance, Feuille-Verte, s’occupaient à questionner des soldats anglais que le service divin avait amenés aussi vers l’église.
Lady Augusta Berkely parvint cependant à dire en particulier à son fidèle serviteur et guide : « Ne faites pas attention à moi, ami Bertram, mais tâchez, s’il est possible, que nous ne soyons plus séparés l’un de l’autre. » Cet avis donné, elle ne tarda point à remarquer qu’il était compris par le ménestrel, qui porta aussitôt ses regards autour de lui, la suivant des yeux, tandis que, enveloppée dans son manteau de pèlerin, elle se retirait lentement vers une autre partie du cimetière, et semblait attendre que, se détachant de Feuille-Verte, Bertram trouvât moyen de venir la rejoindre.
Rien en vérité ne pouvait affecter plus vivement le fidèle ménestrel que le mode singulier de communication qui lui apprenait que sa maîtresse était, saine et sauve, libre de diriger ses propres mouvemens, et, à ce qu’il espérait, disposée à se soustraire aux périls qui l’entouraient, en Écosse, par une retraite immédiate vers son propre pays et ses domaines. C’eût été avec joie qu’il se serait approché d’elle, et qu’il l’aurait rejointe ; mais elle réussit à l’avertir, par un signe, de n’en rien faire, tandis qu’en même temps, il craignait un peu les conséquences qui pourraient s’en suivre si elle était reconnue par Feuille-Verte, qui pourrait sans doute juger convenable de s’immiscer dans leur affaire afin de gagner les bonnes graces du chevalier qui commandait la garnison. Cependant le vieil archer continuait sa conversation avec Bertram, tandis que celui-ci, comme bien des gens en pareille situation, souhaitait de tout son cœur que son compagnon, bien intentionné, eût été à cent toises sous terre, pour qu’il lui fût possible de rejoindre sa maîtresse ; mais tout ce qu’il pouvait faire, c’était de se rapprocher d’elle autant que possible sans exciter de soupçons.
« Je vous prie, digne ménestrel, dit Feuille-Verte après avoir prudemment regardé autour de lui, reprenons le sujet dont nous causions avant d’être arrivés ici. N’est-ce pas votre opinion que les
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