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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
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voulais pour femme.
    Elle éprouvait de l’intérêt pour moi, j’en étais convaincu. Mais Thétis ne m’épouserait pas plus qu’elle n’avait épousé les autres prétendants qui avaient demandé sa main. Je n’avais jamais ressenti de passion pour les femmes, mise à part la satisfaction du désir, que les dieux n’éprouvent aussi douloureusement que les hommes. Parfois, je demandais à une esclave de partager ma couche mais, jusqu’à présent, jamais je n’avais aimé. Qu’elle en eût conscience ou non, Thétis m’appartenait. Comme j’avais opté pour la nouvelle religion et tout ce qui résultait de ce choix, elle n’aurait pas de rivales. Je n’appartiendrais qu’à elle.
    Le soleil dardait des rayons de plus en plus brûlants. À midi j’ôtai ma tenue de chasse pour laisser la chaleur d’Hélios me pénétrer. Mais il me fut impossible de demeurer allongé ; je m’assis et regardai la mer d’un air furieux : n’était-elle pas la cause de ce nouveau tourment ? Puis je fermai les yeux et tombai à genoux : « Zeus, accorde-moi tes faveurs ! Je ne t’ai adressé mes prières que dans les moments de grande détresse. Tu m’as toujours écouté, car je ne t’importune pas avec des futilités. Aide-moi maintenant, je t’en supplie. Accorde-moi Thétis, comme tu m’as donné Iolcos et les Myrmidons, comme tu as remis toute la Thessalie entre mes mains. Donne-moi une reine digne d’occuper le trône des Myrmidons, donne-moi des fils vigoureux qui, à ma mort, me succéderont. »
    Yeux clos, je restai longtemps agenouillé. Quand je me redressai, rien n’avait changé. Puis je la vis, le vent soulevait sa mince tunique comme une bannière, ses cheveux brillaient au soleil. Elle levait son visage extasié. Le taurillon était à côté d’elle et, dans sa main droite, elle tenait un coutelas. L’animal marchait tranquillement vers son destin, il ne se débattit ni ne cria quand elle lui trancha la gorge ; elle entra dans les vagues sans le lâcher tandis que du sang ruisselait sur ses bras blancs et nus. La mer autour d’elle se teinta de rouge puis, aspiré par le courant, le sang se perdit dans les remous.
    Thétis ne m’avait pas vu et ne m’aperçut pas quand elle s’avança dans les flots, tirant le cadavre jusqu’à ce que, l’eau étant assez profonde, elle pût le mettre autour de son cou et nager vers le large . Quand elle fut à distance de la côte, elle haussa les épaules pour se débarrasser du taurillon qui coula. Un gros rocher plat émergeait de l’eau, elle y grimpa, sa silhouette se détachait sur le fond pâle du ciel. Puis elle s’allongea, mit les bras sous sa nuque et parut s’assoupir.
    Rituel singulier, que la nouvelle religion avait aboli. Thétis avait accepté mon offrande au nom de Poséidon, puis l’avait offerte à Nérée. Sacrilège ! La grande prêtresse de Poséidon portait en elle les germes de la destruction de Scyros : elle ne donnait pas son dû au Seigneur des Mers, elle ne respectait pas celui qui fait trembler la Terre.
    L’air était doux comme du miel. Pas un souffle de vent. J’avançai vers les eaux limpides, tremblant, comme pris de fièvre. Les flots ne me rafraîchirent nullement quand je me mis à nager. Aphrodite avait planté ses griffes dans ma chair et me déchirait les os. Thétis était mienne, je la posséderais, je sauverais Lycomède et son île.
    Quand j’atteignis le rocher, je m’accrochai à une saillie, me hissai avec effort et me trouvai accroupi au-dessus d’elle. Elle ne dormait pas. Ses yeux grands ouverts avaient des reflets d’émeraude. À ma vue, elle recula, puis me lança un regard haineux.
    — Ne me touche pas, dit-elle, pantelante. Aucun homme n’ose me toucher ! Je suis vouée au dieu !
    — Tes serments ne sont pas éternels, Thétis. Tu es libre de te marier. Et c’est moi que tu vas épouser.
    — J’appartiens au dieu !
    — Quel dieu ? Tu sacrifies à un autre dieu les victimes destinées au premier ! Tu m’appartiens. Je suis prêt à tout oser et si ton dieu quel qu’il soit – exige ma mort, j’accepterai sa sentence.
    Elle poussa un cri de détresse et tenta de glisser à la mer. Mais, plus rapide qu’elle, je la pris par la jambe et la ramenai sur le rocher. Ses doigts s’accrochaient à la surface rugueuse, ses ongles crissaient. Je lui saisis le poignet et la mis debout.
    Elle se battit avec la férocité d’une horde de chats sauvages. Elle jouait

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