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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
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devaient. Théra avait subi le même sort.
    J’arrivai seul, à pied, vêtu comme un simple chasseur et conduisant mon offrande au bout d’une corde. Je voulais que la femme ignorât que j’étais le grand roi de Thessalie. L’autel était juché sur un haut promontoire dominant une petite crique ; sans bruit, je me glissai entre les arbres du bosquet sacré. Le silence et la sainteté oppressante du lieu m’étourdirent. C’est à peine si j’entendais le bruit de la mer, pourtant les vagues déferlaient et se fracassaient en une blanche écume sur les rochers déchiquetés en contrebas de la falaise. Le feu éternel brûlait sur un trépied doré devant le simple autel carré ; je m’en approchai avec mon offrande et m’immobilisai.
    La femme sortit au soleil, presque à regret, comme si elle préférait rester dans l’ombre fraîche. Fasciné, je la dévisageai. Petite, élancée, elle avait pourtant un je-ne-sais-quoi de peu féminin. Au lieu de la robe traditionnelle à volants et broderies, elle portait la fine tunique de lin transparent que tissent les Égyptiens. À travers la toile on discernait sa peau pâle et bleutée, striée par la teinture maladroite de l’étoffe. Ses lèvres charnues étaient légèrement rosées, la couleur de ses yeux changeait suivant les humeurs de la mer et en prenait les nuances, passant du gris au bleu, au vert et même au bordeaux. Point de fard sur son visage, à l’exception d’une fine ligne noire sur le contour des yeux, qui se prolongeait vers les tempes et lui donnait un air presque sinistre. Ses cheveux cendrés avaient des reflets qui les faisaient paraître presque bleus. Je m’avançai avec mon offrande.
    — Je suis en visite sur ton île. Voici mon offrande à Poséidon le Père.
    En inclinant la tête, elle tendit la main et prit la corde, puis examina le jeune taureau blanc en connaisseur.
    — Poséidon sera satisfait. Il y a longtemps que je n’ai vu une si belle bête.
    — Comme les chevaux et les taureaux sont des animaux sacrés à ses yeux, il m’a paru bon de lui offrir ce qu’il préfère.
    — L’heure n’est pas propice à l’offrande, dit-elle après avoir regardé attentivement la flamme de l’autel. Je ferai plus tard le sacrifice.
    — Comme tu veux.
    Je m’apprêtai à partir.
    — Attends, étranger.
    — Qu’y a-t-il ?
    — De la part de qui dois-je faire l’offrande au dieu ?
    — De la part de Pélée, roi d’Iolcos et grand roi de Thessalie.
    Son regard bleu clair vira au gris sombre.
    — Tu n’es pas un homme ordinaire. Ton père était Éaque et son père était Zeus en personne. Ton frère, Télamon, est roi de Salamine et du sang royal coule dans tes veines.
    — Je suis fils d’Éaque et frère de Télamon, mais j’ignore qui était mon grand-père, répondis-je. Je doute qu’il ait été le roi des dieux, Plus vraisemblablement, un coquin épris de ma grand-mère.
    — Roi Pélée, dit-elle d’un ton mesuré, l’impiété mène au châtiment divin.
    — Je ne pense pas être impie. Je vénère les dieux et leur fais des offrandes.
    — Pourtant tu nies que Zeus soit ton grand-père.
    — De tels contes visent à renforcer le droit d’un homme à accéder au trône. À la vérité, c’est ce qui s’est passé dans le cas de mon père, Éaque.
    D’un geste distrait, elle caressait le mufle du taurillon.
    — Tu séjournes certainement au palais. Pourquoi le roi Lycomède t’a-t-il laissé venir ici seul et sans t’annoncer ?
    — Parce que tel était mon désir.
    Après avoir attaché le taurillon à un anneau fixé dans un pilier, elle me tourna le dos.
    — À qui ai-je remis mon offrande ?
    Comme elle me regardait par-dessus son épaule, je vis ses yeux froids, sans expression.
    — Je suis Thétis, fille de Nérée. Ce n’est pas un on-dit, roi Pélée. Mon père est un grand dieu.
    Il était temps de partir. Je la remerciai et m’éloignai.
    Mais je n’allai pas très loin. Je me faufilai le long du sentier qui serpentait jusqu’à la crique, déposai ma lance et mon glaive derrière un rocher et m’allongeai dans le sable tiède sous le surplomb d’une falaise. Thétis. Thétis. Oui, il y avait en elle quelque chose qui évoquait la mer. Oui, je souhaitais croire qu’elle était fille d’un dieu, car j’avais plongé mon regard au fond de ses yeux aux couleurs changeantes, j’y avais aperçu les tempêtes et les accalmies qui couvaient en elle. Et je la

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