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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
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courir à notre propre perte et entraîner avec nous la Grèce entière ! Où est donc Ulysse ? ajouta-t-il après un temps.
    — J’ai envoyé un messager à Ithaque.
    — Pfft ! Il ne viendra pas.
    — Il le faudra bien. Lui aussi a prêté serment.
    — Que valent les serments aux yeux d’Ulysse ? Nul ne peut l’accuser de parjure, mais il a lui-même imaginé ce stratagème. Sans doute a-t-il fait semblant de jurer. Au fond c’est un homme paisible et – à ce qu’on m’a dit – il savoure à présent les bonheurs domestiques. Il semble avoir perdu le goût de l’intrigue. Un mariage heureux vous change parfois un homme. Il refusera de venir, Agamemnon ; pourtant il nous est indispensable.
    — J’en suis convaincu, seigneur.
    — Alors va le chercher en personne, dit Nestor. Et emmène avec toi Palamède. À renard, renard et demi.
    — Dois-je également m’adjoindre Ménélas ?
    — Absolument. Ainsi l’amour sera-t-il davantage évoqué que les affaires d’argent.
     
    Nous embarquâmes sur la côte ouest de l’île de Pélops pour traverser le détroit tourmenté qui mène à Ithaque. En débarquant, je contemplai l’île – un îlot rocheux des plus arides – sans grand enthousiasme. Ce n’était guère là le royaume qui aurait convenu à l’homme le plus avisé du monde ! Je gravis non sans peine le sentier muletier qui menait à l’unique cité, déplorant qu’Ulysse n’eût pas même prévu de moyen de transport. Plus haut, cependant, nous trouvâmes quelques ânes infestés de puces. Heureux qu’aucun de mes courtisans ne me vît perché sur un âne, je fis route vers le palais.
    Je le découvris avec surprise, fort petit, il était pourtant somptueux. Pénélope avait en effet apporté une riche dot : de vastes terres, des coffres remplis d’or et de bijoux – la rançon d’un roi ! Son père, Icarios, avait à l’époque été très indigné de devoir accorder la main de sa fille à un homme qui ne pouvait gagner une course à pied sans tricher !
    Je m’attendais à ce qu’Ulysse, informé de notre arrivée, nous attendît sous le portique. Mais quand nous descendîmes de nos infâmes montures, nous trouvâmes les lieux déserts. Pas même un esclave. J’entrai le premier, intrigué plutôt qu’offensé de constater que le palais fût vide. Argos, le maudit chien qu’Ulysse emmenait partout, n’aboya même pas après nous.
    Deux impressionnantes portes de bronze nous laissèrent deviner où se trouvait la salle du trône. Ménélas les ouvrit. Sur le seuil, nous fûmes éblouis par tant de beauté et d’harmonie. Une femme pleurait, accroupie au pied du trône. Son manteau lui cachait le visage mais, quand elle le releva, nous sûmes tout de suite qui elle était, car elle portait un tatouage à la joue gauche : une araignée écarlate au milieu d’une toile bleue. C’était l’emblème de celles qui s’étaient consacrées à Pallas Athéna, déesse des fileuses. Pénélope filait.
    D’un bond elle fut debout, puis s’agenouilla pour embrasser le bord de ma tunique.
    — Seigneur, nous ne t’attendions pas ! T’accueillir de la sorte ! Pardonne-moi, grand roi !
    Sur ce, elle fondit à nouveau en larmes.
    Je la regardai et me sentis parfaitement ridicule : une femme hystérique m’étreignait les chevilles. Je croisai le regard de Palamède et ne pus m’empêcher de sourire. Il fallait s’attendre à tout de la part d’Ulysse et des siens.
    — Seigneur, sans doute en furetant pourrais-je en savoir davantage, me murmura Palamède à l’oreille.
    J’acquiesçai, puis aidai Pénélope à se relever.
    — Allons, cousine, reprends-toi. Que t’arrive-t-il donc ?
    — C’est le roi, seigneur ! Il est devenu fou ! Complètement fou ! Il ne me reconnaît même pas, moi, son épouse ! Il se trouve en ce moment dans le verger sacré et délire comme un dément !
    — Nous devons le voir, Pénélope, dis-je.
    — Oui, seigneur, laisse-moi te conduire, répondit-elle en hoquetant. Nous sortîmes par l’arrière du palais. Soudain une vieille femme surgit, un nourrisson dans les bras.
    — Reine, le prince pleure. L’heure de la tétée est passée. Pénélope le prit et le berça.
    — C’est le fils d’Ulysse ? demandai-je.
    — Oui, voici Télémaque.
    Je lui caressai la joue et poursuivis mon chemin. L’état de son père était bien plus important à mes yeux. Nous traversâmes une oliveraie dont les arbres

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