Le clan de l'ours des cavernes
amassé et le foyer préparé, Grod, l'homme qui marchait aux côtés de Brun, sortit d'une corne d'aurochs un charbon ardent enveloppé de mousse. Le clan savait faire naître le feu mais en voyage il était plus s˚r de conserver une braise du feu précédent pour allumer le prochain.
Grod avait anxieusement entretenu le brandon rougeoyant tout au long de la marche. Nuit après nuit, le feu avait été allumé à partir d'une braise conservée d'un feu antérieur, et l'on pouvait ainsi remonter jusqu'au foyer qui br˚lait à l'entrée de l'ancienne caverne. Pour qu'une grotte soit, selon les rites, considérée comme un lieu de résidence acceptable, le clan devait y allumer un feu à l'aide d'une braise dont il pouvait suivre la trace jusqu'à sa précédente demeure.
L'entretien du feu ne pouvait être confié qu'à un homme de rang élevé. Si le brandon venait à s'éteindre, il faudrait y voir le signe que les esprits protecteurs avaient déserté le clan, et Grod, second par le rang, se trouverait ravalé au dernier échelon du clan, une déchéance qu'il redoutait par-dessus tout. Sa t‚che représentait un grand honneur en même temps qu'une écrasante responsabilité.
Pendant que Grod disposait soigneusement la braise sur un lit de brindilles sèches et qu'il animait la flamme, les femmes vaquaient à diverses occupations. Selon des techniques ancestrales, elles dépecèrent rapidement le gibier. quelques instants plus tard, le feu flambait clair, et la viande embrochée sur des piques de bois vert grillait. Saisie par l'intense chaleur, elle conservait son jus. Le clan s'en régalerait jusqu'à la dernière bouchée.
Les femmes grattèrent et coupèrent les racines et les tubercules avec les mêmes instruments tranchants dont elles se servaient pour dépecer et découper le gibier. Elles remplirent d'eau les paniers étanches tressés serré et les bols en bois, puis y déposèrent des pierres br˚lantes. Dès que les pierres refroidissaient, elles les remettaient dans le feu et en prenaient d'autres qu'elles plongeaient dans l'eau jusqu'à ce qu'elle bouille et que les légumes soient cuits. Les gros vers de souches étaient légèrement grillés et les petits lézards rôtis dans leur peau jusqu'à ce que celle-ci noircisse et craquèle, exposant une chair go˚teuse et cuite à
point.
Tout en les aidant à la préparation du repas, Iza s'occupait de ses propres potions. Elle mit l'eau à chauffer dans un bol en bois qu'elle avait taillé
dans une vieille souche de nombreuses années auparavant. quand elle eut lavé les rhizomes d'iris, elle les réduisit en p‚te en les m‚chant et les recracha dans l'eau bouillante. Dans un autre bol, confectionné avec la m
‚choire inférieure d'un grand daim, elle pila les feuilles de trèfle, y ajouta quelques pincées de houblon en poudre, des bouts d'écorce d'aulne, et versa de l'eau chaude sur le tout. Elle écrasa ensuite de la viande séchée entre deux pierres avant de la malaxer dans un troisième bol avec l'eau de cuisson des légumes.
La femme qui marchait dans la file derrière Iza lui jetait de temps à autre un regard, espérant quelque commentaire. Tout le clan br˚lait de curiosité.
Chacun avait trouvé quelque prétexte pour approcher de la fourrure de la guérisseuse depuis l'installation du camp. Les spéculations allaient bon train, et tous de se demander pourquoi l'enfant se trouvait là et, surtout, pourquoi Brun avait accepté une créature qui, de toute évidence, venait de chez les Autres.
Ebra était bien placée pour savoir ce que ressentait Brun. C'était elle qui, par d'habiles massages, dissipait la crispation de son cou et de ses épaules, elle aussi qui devait supporter les rares mais violents accès de nervosité de celui qui était son compagnon. Brun était réputé pour son sang-froid, et elle savait qu'il regrettait ses éclats, même si par fierté
il ne les reconnaissait pas. Cependant Ebra elle-même se demandait comment il avait pu accepter l'enfant parmi eux, au moment o˘ il leur fallait redoubler de prudence dans le respect des règles, afin de ne pas soulever davantage la colère des esprits.
Malgré sa vive curiosité, Ebra se garda bien de poser la moindre question à
Iza ; quant aux autres femmes, leur rang ne permettait à aucune d'y songer.
Personne n'avait le droit de déranger une guérisseuse qui procédait à ses préparations, et Iza n'était pas d'humeur à bavarder. Tous ses efforts se
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