Le clan de l'ours des cavernes
plantes pour sa magie. Ce savoir secret était exclusivement réservé aux mog-ur et à leurs homologues, et en aucun cas aux femmes, fussent-elles guérisseuses. Iza en connaissait plus long que lui sur les propriétés des plantes, et ses capacités de déduction l'inquiétaient. Il serait tout à fait anormal qu'elle découvrît trop de choses sur ses propres manipulations.
- Et l'autre bol ? demanda-t-il.
- Ce n'est que du bouillon. La pauvre petite est à moitié morte de faim.
que lui est-il arrivé, crois-tu ? D'o˘ vient-elle ? O˘ est son peuple ?
Elle a d˚ errer seule pendant des jours.
- Seuls les esprits le savent, répondit Mog-ur. Es-tu certaine que ton pouvoir opérera sur elle ? Elle ne fait pas partie du clan.
- Elle devrait guérir. Les Autres aussi sont des êtres humains. Te souviens-tu de cet homme au bras cassé dont notre mère nous parlait ? Celui que notre grand-mère a sauvé ? Les remèdes magiques du clan ont eu sur lui d'heureux résultats bien que, selon notre mère, il ait mis plus de temps que prévu à se remettre des effets de la potion soporifique.
- quel dommage que tu n'aies pas connu la mère de notre mère, dit Creb, qui s'exprimait de son unique main. Ses talents de guérisseuse étaient tels que les membres des autres clans venaient la consulter. quel dommage qu'elle ait rejoint le monde des esprits si peu de temps après ta naissance, Iza.
Elle m'a effectivement parlé de cet homme. Il est resté quelque temps parmi nous après sa guérison, et il chassait avec le clan. Ce devait être un bon chasseur, car il a été autorisé à participer aux rites de la chasse. Ce sont des êtres humains, c'est vrai, mais ils sont différents de nous.
Mog-ur se tut. En face d'une femme aussi astucieuse qu'Iza, il devait veiller à ne pas en dire trop, sinon elle serait bien capable de percer certains secrets n'appartenant qu'aux hommes.
Tout en berçant tendrement la petite fille sur ses genoux, Iza parvint à
lui faire absorber le contenu du bol en os. Il fut plus facile de lui faire boire le bouillon. L'enfant murmura quelques paroles incohérentes en essayant de repousser le breuvage amer, mais sa faim était telle qu'elle ne lutta pas longtemps. Iza la tint dans ses bras jusqu'à ce que le sommeil se f˚t emparé d'elle, puis elle écouta les battements de son coeur et sa respiration. Elle avait fait tout son possible. Peut-être n'étaitil pas trop tard. Tout ne dépendait plus que des esprits, maintenant, et de la résistance de l'enfant.
Iza vit Brun s'approcher d'elle, l'air mécontent. Elle se leva prestement et alla aider à servir le repas. Une fois sa décision prise, Brun avait chassé de ses pensées cette étrange enfant, mais voilà qu'il se reprenait à
douter de l'opportunité de sa présence parmi le clan. Alors qu'il était de règle de s'abstenir de regarder ce que les autres disaient, il ne put éviter de remarquer les commentaires de son clan. L'étonnement de ses compagnons à le voir accepter la présence de la fillette le conduisit à
s'interroger lui aussi. Il se mit à redouter un redoublement de la colère des esprits. Il s'apprêtait à aller trouver la guérisseuse quand Creb, qui avait deviné son intention, l'arrêta.
- que se passe-t-il, Brun ? Tu as l'air préoccupé.
- Iza doit abandonner l'enfant ici même, Mog-ur. Elle ne fait pas partie du Clan. Les esprits n'apprécieront pas sa présence parmi nous pendant que nous cherchons une nouvelle caverne. Je n'aurais jamais d˚
permettre à Iza de l'emmener.
- Mais non, rétorqua Mog-ur. La bonté n'a jamais irrité les esprits protecteurs. Tu connais Iza, elle ne supporte pas de voir une souffrance sans intervenir. Ne crois-tu pas que les esprits aussi la connaissent bien ? S'ils n'avaient pas voulu qu'elle soigne l'enfant, ils ne l'auraient pas mise sur son chemin. Il y a s˚rement une raison à cela. Il se peut très bien que la petite meure, Brun, mais si Ursus veut l'appeler dans le monde des esprits, laissons-lui l'entière décision. Ce n'est pas le moment d'intervenir. Elle mourra à coup s˚r si nous l'abandonnons.
Brun n'était pas convaincu. quelque chose chez cette enfant le troublait.
Cependant, par déférence envers Mog-ur, il acquiesça.
Après le repas, Creb demeura perdu dans un silence contemplatif, en attendant que tout le monde ait terminé de manger pour commencer la cérémonie nocturne, pendant qu'lza lui préparait une couche pour dormir.
Mog-ur avait interdit
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