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Le Code d'Esther

Le Code d'Esther

Titel: Le Code d'Esther Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Benyamin , Yohan Perez
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agréable ! »
    Il avait tout juste 20 ans lorsqu’il avait débarqué à Nuremberg. Un oncle y était déjà installé et l’avait encouragé à quitter la Turquie pour profiter de la situation économique d’alors et du plein-emploi. Très vite, il avait été engagé dans une entreprise de bureautique : horaires réguliers, avantages sociaux et salaire en marks. Si l’Allemagne n’était pas le paradis, elle lui ressemblait. Chaque été, il prenait ses vacances en Turquie, où il dépensait sans compter, jouant volontiers à l’enfant prodigue avec toute sa famille. C’est là-bas qu’il avait rencontré celle qui devait devenir sa femme. Ils s’étaient installés dans la banlieue de Nuremberg et deux enfants, une fille et un garçon, étaient venus parachever sa réussite sociale. Même les difficultés de la réunification n’avaient pas réussi à entamer son sentiment de bonheur.
    « Et puis l’euro est arrivé et tout a commencé à changer. Les prix ont flambé, on s’est mis à nous regarder avec crainte et méfiance. Et en dix ans notre situation s’est complètement transformée ! Aujourd’hui, c’est la crise ici aussi, comme partout en Europe, peut-être un peu moins que chez vous, en France… Tous les jours, il y a des entreprises qui ferment leurs portes pour aller s’installer en Chine. Si vous aviez le temps, je vous conduirais dans la banlieue industrielle de Nuremberg et vous verriez… Il ne faut pas croire tout ce que vous dit Angela Merkel…
    — Et le racisme ?
    — Ça n’a jamais été aussi catastrophique ! Vous avez vu qu’ils viennent d’arrêter un gang d’extrême-droite qui depuis dix ans assassinait des immigrés ? Dix ans sans être jamais inquiétés ! Ils étaient trois, deux hommes et une femme, et ils tuaient des gens simplement parce qu’ils n’étaient pas allemands ! »
    On a laissé derrière nous la forêt et ses fantômes, et, au vu du flot de voitures et des passants sur les trottoirs, on sent que l’on se rapproche à présent du centre-ville. Au bout de l’avenue, je reconnais la place Plärrer, qui jouxte mon hôtel. Mais mon chauffeur ne tient pas à me laisser sur une note triste.
    « Vous connaissez la dernière blague qu’on se raconte ici ? C’est Angela Merkel qui discute avec le ministre de l’Intérieur. Un fonctionnaire entre dans le bureau et leur demande ce qu’ils font. “Nous sommes en train de mettre au point un plan pour nous débarrasser de tous les Turcs d’Allemagne et d’un dentiste”, répond le ministre. “Un dentiste ? Pourquoi un dentiste ?” rétorque le fonctionnaire. Angela Merkel donne alors un coup de coude à son ministre et lui dit : “Je t’avais bien dit que personne ne dirait rien sur les Turcs !” »
    Le rire tonitruant de mon chauffeur résonne encore dans mes oreilles lorsque j’entre enfin sous ma douche.
    « Quel est le principal critère d’évaluation du développement d’une ville ? Son réseau terrestre de communications. » Si la phrase d’un ancien ministre de la République recèle une part de vérité, alors Nuremberg est dans le peloton de tête des villes allemandes les plus développées. Larges avenues, à six voies et plus, bordées d’immeubles un peu trop fonctionnels, vastes places accueillant tram, autobus et métro : le réseau ceinture parfaitement tous les quartiers en préservant la vieille ville, entièrement rebâtie, avec ses maisons gothiques et ses ruelles pavées, dominée par son château et ses murailles.
    Le fonctionnaire de la mairie qui m’accompagne est visiblement fier de sa ville. « Vous n’imaginez pas le travail accompli depuis la fin de la guerre. Nuremberg était à terre en 1945, avec ses maisons en ruine et ses routes défoncées par les bombardements alliés. Mais les Allemands ont su retrousser leurs manches et ont rebâti entièrement celle qui avait été pendant longtemps la “perle de la Bavière”. » Il admet volontiers que la cité n’est pas un modèle d’urbanisme, mais il m’explique qu’il fallait faire vite, construire des maisons pour y loger les familles, rétablir les communications avec le reste du pays, sans souci d’esthétique. « C’est l’urgence qui commandait, conclut-il, et non la préoccupation du Beau. Et au vu des conditions, le résultat n’est pas si mal… »
    Peut-être ne le sait-il pas, ou feint-il de l’ignorer, mais les premiers « rebâtisseurs » de la

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