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Le Code d'Esther

Le Code d'Esther

Titel: Le Code d'Esther Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Benyamin , Yohan Perez
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parlent tous anglais…
    « Vous venez souvent ici ?
    — Oui… C’est cool, me répond l’un d’eux, dont j’ai du mal à voir le visage. Y a personne qui nous dérange !
    — Mais vous savez où nous nous trouvons…
    — Ben évidemment ! me lance un autre. C’est ici que j’ai vu l’été dernier le meilleur concert de rock de toute ma vie ! »
    J’avais oublié ! Depuis une quinzaine d’années, le stade du Zeppelin se transforme en été en gigantesque salle de concert ou en piste pour courses de voitures.
    « Pas du tout, renchérit un autre. Le meilleur concert, c’était en 2009 avec ce groupe génial… Rappelle-toi… »
    Ils sont tous à présent à se disputer pour savoir quel était le meilleur concert auquel ils aient assisté ici, et d’après ce que je peux comprendre c’est le heavy metal qui tient la corde ! Je décide quand même de les relancer sur l’objet de mes recherches.
    « Mais vous savez ce que c’était avant … Avant les concerts de rock…
    — Ouais… Y avait un type un peu nain, avec une drôle de moustache, qui se faisait acclamer par ses potes ! »
    La réflexion déclenche une hilarité générale où fusent des mots en allemand que je ne comprends pas.
    « Vous parlez d’Adolf Hitler, n’est-ce pas ?
    — Bon, tu vas pas nous prendre la tête avec ce type… »
    C’est terriblement agaçant de ne pas voir leurs visages… J’insiste :
    « Mais c’était il y a seulement soixante-dix ans…
    — Ouais, c’est ce qu’on dit… Du temps de la préhistoire !
    — Mais c’étaient des Allemands… Comme vous…
    — Oui, des Allemands… Des hommes des cavernes allemands du temps de la préhistoire ! »
    À nouveau, les rires sous les capuches. Et puis il y en a un qui se lève et me fait face en retirant la sienne. Il a les yeux bleus et les joues roses, un visage d’enfant.
    « Ne nous prenez pas pour des abrutis, monsieur ! On sait très bien ce qui s’est passé ici ! On nous en rebat les oreilles à l’école… C’est horrible ! Mais c’est une histoire terminée, morte, qui ne signifie plus rien pour nous ! Voilà pourquoi nous avons décidé que le Zeppelin était la meilleure salle de concerts rock… et rien d’autre ! »
    Applaudissements nourris de la part de ses camarades et le jeune homme se rassoit, un léger sourire de fierté aux lèvres.
    Je n’avais rien ressenti à la tribune tout à l’heure, mais de toute évidence je ne suis pas tout seul dans ce cas. Par-delà la provocation et le refus feint du devoir de mémoire, cette génération du « Hitler, connais pas » me redonnait confiance en l’humanité, après une matinée en enfer.
     
     
    Je suis épuisé. La pluie ne faiblit pas et je n’ai pas le courage de reprendre l’autobus pour rentrer à l’hôtel. Je rêve d’une bonne douche chaude qui réchauffera mes os glacés par l’épisode de la tribune. Au moment où, débouchant de la forêt, j’arrive sur la route principale, un taxi se présente. Je n’hésite pas et lui fais signe de s’arrêter : je viens de gagner une bonne demi-heure de repos en délaissant le bus 36 au profit de cette Mercedes…
    Le chauffeur se débrouille en anglais – ça m’arrange. Il me semble assez petit, âgé d’une cinquantaine d’années ; il a les cheveux bruns, une fine moustache et un visage bienveillant. Je ne tarde pas à deviner derrière son accent un fils du Bosphore et de la Corne d’Or.
    « Vous êtes turc ?
    — Comment vous l’avez deviné ? J’ai à peine ouvert la bouche ! répond-il en souriant. Et vous… Vous êtes…
    — Français !
    — Ah, je suis content ! J’aime bien les Français ! Votre président, un peu moins…
    — Ah bon, vous n’aimez pas Nicolas Sarkozy ? Pour quelles raisons ?
    — Sa position sur les Arméniens… Et qu’est-ce qui vous amène à Nuremberg ? Des vacances ?
    — Vous pensez que c’est une ville où on peut venir en vacances fin novembre ? »
    Son rire explose dans l’habitable du véhicule. Mais il a décidé de ne pas me laisser le monopole de l’humour.
    « Parce que vous pensez que c’est une ville où on peut passer trente ans de sa vie ? me répond-il.
    — Vous êtes ici depuis trente ans ?
    — Bon, j’exagère… Les vingt premières années ont été merveilleuses. On gagnait bien sa vie, les gens étaient gentils avec nous, et quand il fait soleil la ville est vraiment

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