Le Code d'Esther
suffisante pour exciter ma curiosité. Une recherche rapide sur Internet acheva de me persuader : ma décision était prise.
C’est le début de l’histoire. Une histoire qui remonte à la nuit des temps, et où la Shoah percute des écrits issus de la Bible. Une enquête qui allait s’étaler sur plusieurs mois, nous ballotter dans l’espace et dans le temps, du royaume d’Assuérus, en 300 avant notre ère, à l’atmosphère glacée des banques suisses. Une quête, enfin, sur le sens du divin et la part du hasard dans l’enchaînement des événements historiques…
Et vous, vous croyez au hasard ?
L’aventure commence à Nuremberg.
Nuremberg
«
T u n’as pas choisi la meilleure période de l’année pour aller à Nuremberg… »
Yohan conduit vite. Il a tenu à m’accompagner à l’aéroport. Paris resplendit sous le soleil insolent de cette fin novembre.
« Il fait froid… La nuit tombe très tôt… Avec un peu de chance, si tu fermes les yeux, tu entendras même les aboiements des chiens », ajoute-t-il dans un gigantesque éclat de rire.
Le temps que sa soudaine hilarité se perde alors que nous laissons sur notre droite le Stade de France, et il redevient grave.
« De toute façon, tu n’as pas le choix. C’est là-bas que tout finit… ou que tout commence. Tu décideras par toi-même. Si tu veux comprendre quelque chose à cette histoire, il faut que tu te rendes seul à Nuremberg. »
Je n’aimais pas ces phrases sibyllines qu’il employait volontiers ces derniers jours. Mais il ne me laissait pas d’alternative : je devais partir, sentir la ville, m’imprégner de son ambiance et accomplir deux « missions » – j’utilise ce mot mais je ne suis pas certain qu’il soit tout à fait juste. Je devais me rendre au Zeppelin, monter à la tribune où paradait Hitler devant des centaines de milliers de personnes à l’époque de sa toute-puissance et rester là dix bonnes minutes, « le temps qu’il se passe quelque chose en toi… C’est obligatoire que tu ressentes quelque chose. Comme une présence palpable… Tu verras, c’est terrifiant ». Et puis je devais me focaliser sur l’exécution de l’un des condamnés à mort du fameux procès de Nuremberg : un certain Julius Streicher.
J’avais accepté le défi. Par jeu mais aussi parce que j’avais été piqué au vif : je savais que Yohan me testait, qu’il mettait à l’épreuve ma confiance et ma capacité à m’embarquer dans un monde inconnu qu’il m’avait à peine dévoilé. Il voulait savoir jusqu’où j’étais prêt à aller, moi le cartésien, adepte de la rigueur, peu enclin à admettre des interprétations religieuses ou mystiques pour expliquer un événement. Il désirait confronter sa vision divine avec le pragmatisme têtu de ma formation journalistique, dans le secret espoir que mes conclusions rejoindraient les siennes. Et je m’étais promis d’utiliser toutes les armes de l’enquête et de l’investigation pour contrer… ou corroborer ses découvertes. Pour aiguiser ma curiosité, il avait laissé tomber quelques informations, en particulier la façon dont cette histoire était parvenue jusqu’à lui, comment il l’avait prise à bras-le-corps et la manière dont il avait commencé ses recherches.
C’était cinq ou six ans plus tôt, il ne savait plus très bien. Des amis l’avaient invité à une pendaison de crémaillère, l’occasion de faire la fête mais surtout, dans les foyers juifs traditionnels, de procéder à une bénédiction de l’appartement. En général, sur le côté droit de la porte, on a coutume d’apposer une mezouzah , un petit rouleau en acier à l’intérieur duquel on a glissé une prière censée protéger les habitants du lieu. C’est un rabbin qui est chargé d’animer l’office, de féliciter les nouveaux propriétaires et de leur souhaiter longue vie et prospérité dans leur foyer. Mais, ce jour-là, le Rav Bloch, c’était son nom, ne s’arrêta pas aux compliments d’usage : sitôt la mezouzah posée, il entama un véritable cours sur les prophéties de la Torah, et en particulier sur celle d’Esther.
« J’étais abasourdi, me raconta Yohan. Je ne parvenais pas à croire ce que je venais d’entendre. Je me souviens que, sur le moment, je me suis dit : “Il exagère, c’est n’importe quoi ! Cette histoire ne tient pas debout !” »
Il se décida à aller parler au rabbin une fois son
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