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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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que
Balian II d’Ibelin dut intervenir. Avec Ernoul, son écuyer, et
quelques-uns des vétérans de Hattin, il se rendit à la capitainerie de Tyr,
épée et bouclier au poing.
    Balian était fou de colère.
    — Par la langue de Dieu ! cria-t-il. Alors que la chrétienté
d’Orient est submergée par les flots d’une marée mahométane, vous, Républiques
italiennes, prenez un malin plaisir à l’y enfoncer plus encore ! Que
faut-il donc pour vous rappeler quel est votre camp ? Que je vous passe
mon épée en travers du corps ?
    — De l’or, lui répondit-on. De l’or suffira.
    Balian parla de réquisitionner les navires et de s’en
emparer avec ses chevaliers. Ce à quoi les Vénitiens répliquèrent que, s’ils
agissaient de la sorte, ils ne verraient plus jamais d’autres navires que mahométans,
et que ce seraient des galères.
    Balian s’entretint alors avec Tommaso Chefalitione,
capitaine marchand, homme d’une quarantaine d’années, propriétaire de nombreux
palais à Venise et d’une vingtaine de navires, cogues et huissières. De tous
les Vénitiens, il était le plus accommodant. Cependant, il tardait – comme
les autres – à rentrer chez lui. Balian lui donna une cassette contenant
moult pierreries, et lui promit, une fois le voyage accompli, tant de terrains,
de châteaux et de fermes en Provence, que Chefalitione se demanda si Balian
d’Ibelin n’avait pas perdu la tête.
    Mais il était sérieux. Les garanties qu’il apportait
semblaient sûres, et Chefalitione, que le commerce des armes avait rendu
richissime, rêvait d’honneurs et de tenures à l’étranger que l’argent seul ne
pouvait offrir.
    — Occupez-vous de l’archevêque, lui dit Balian, et je
vous assure que ni vous ni vos descendants n’aurez jamais à vous plaindre. Nous
avons de quoi tenir, et, d’ici à quelques jours, les naves du Temple et de l’Hôpital
seront là. Alors les prix baisseront…
    Chefalitione, qui n’était pas bête – seulement très
avide –, réfléchit un instant, se frotta le menton, et demanda :
    — Votre offre est des plus généreuses. Puis-je savoir
pourquoi vous dépensez tant pour ce jeune homme, qui est pourtant déjà fort
riche ?
    — Foutredieu ! fulmina Balian. Parce qu’il ne
l’est apparemment pas assez pour vous ! Ensuite, parce que son père n’a
pas hésité, autrefois, à donner sa vie pour sauver la mienne – et que
depuis plus de dix ans il n’a d’autre famille que sa mère. Enfin, parce que
l’objectif qu’il poursuit est juste et nécessaire, et que je veux y concourir.
Rome doit être informée de ce qui se passe ici. Josias est un homme de parole,
quelqu’un de droit qui sait empêcher les guerres inutiles. Grâce à lui, nous
avons pu éviter que Guy de Lusignan ne prenne les armes contre Raymond III
de Tripoli, quand celui-ci signa un pacte de non-agression avec Saladin.
    Les paroles de Balian émurent Chefalitione. Ce n’était plus
un simple travail, c’était une mission. De toute façon, il devait rentrer en
Italie. Venise ou Rome, pour lui, c’était pareil. Alors, pourquoi ne pas y
repartir en compagnie d’un homme d’Église ? La perspective de ce semblant
d’aventure l’amusait. Cela le distrairait des conversations de marins, qu’il
trouvait lassantes à force de répétitions : elles commençaient toujours
par la mer, et finissaient invariablement dans le vin.
    — C’est d’accord, dit Chefalitione en serrant la main
de Balian. J’emmènerai l’archevêque de Tyr là où il souhaite aller, tant que ce
n’est pas en enfer.
    — Rassurez-vous, ce ne sera pas nécessaire.
Contentez-vous de le conduire au Vatican, ce sera très bien.
    — Même si là-bas le diable aussi a ses ambassadeurs,
dit Chefalitione.
    Ibelin éclata de rire et prit Chefalitione dans ses bras.
    — Ah, capitaine ! Je vois que vous m’avez
compris ! N’oubliez pas que l’homme que je vous charge d’escorter est un
saint. Je compte sur vous !
    — Soyez sans crainte, répondit le Vénitien, un fin sourire
aux lèvres, se demandant comment quelqu’un d’aussi jeune que l’archevêque de
Tyr pouvait déjà être un saint.
    Pendant qu’on conduisait Josias et sa mère à bord de La
Stella, Chefalitione et Ibelin continuèrent à deviser. Le Vénitien voulait
savoir pourquoi Balian ne venait pas.
    — Parce que je pars cette nuit pour Jérusalem, lui
apprit-il. Je vais y chercher ma femme et mes enfants.
    Chefalitione

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