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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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bien avant une aide venue de France ou
d’Angleterre, royaumes qui, si je l’ai bien compris, sont à couteaux tirés.
    — Hélas, oui, souffla Chefalitione.
    — Vous nous devez bien cela, dit Josias en regardant sa
mère.
    — Je monte prévenir le timonier, rétorqua Chefalitione
en quittant la table.
    Il s’en alla rejoindre son homme de barre, auquel il donna
de nouvelles instructions. En vérité, le changement de cap s’appliquait autant
au navire qu’à son capitaine et à son équipage. Sous l’action conjuguée de la
mère et du fils, Chefalitione et ses hommes s’étaient découvert de nouvelles
vertus. L’argent avait fini par les lasser ; ils en avaient trop, et
parlaient de réserver au Temple et à l’Hôpital une partie de leurs gains. Leur
principal souci était désormais de servir au mieux l’archevêque de Tyr, afin que
celui-ci allât parler au pape. « Les prostituées ont eu leur part, à Dieu
de recevoir la sienne », disaient-ils en riant. Ils luttèrent donc contre
les flots et les vents contraires avec la même hargne que celle avec laquelle
les premiers croisés s’étaient battus naguère pour le Christ. Quand un vent
favorable leur faisait gagner quelques nœuds, ils y voyaient le signe de la
main de Dieu. Quand un dauphin se montrait, ils s’écriaient : « C’est
un ange ! » et dirigeaient le navire dans son sillage.
    Un jour, Chefalitione rit aux éclats, d’un rire aussi
éclatant qu’un coup de tonnerre, puis déclara :
    — Ils ne sauront jamais, à Venise, combien j’ai plaisir
à vous servir et à servir Dieu !
    Josias partit à rire à son tour, et ajouta :
    — S’ils savaient… Si tous savaient, la guerre
s’arrêterait d’elle-même.
    — Ce serait mauvais pour les affaires, mais tant pis…,
commenta Chefalitione en regardant l’étrave fendre les vagues. Imaginez qu’une
arme puisse infliger autant de dégâts chez les Sarrasins que ce navire en fait
aux vagues, fendre avec autant de facilité la poitrine des infidèles que cette
proue ouvre la mer…
    — Il en est une qui le fait… Mon maître, Guillaume, m’a
parlé d’une épée très ancienne. Sa lame brille dans la nuit, diffusant une
douce lumière bleue qui tient les ténèbres à l’écart. Elle aurait été forgée au
V e  siècle après l’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ,
pour aider saint Georges à terrasser le dragon qui terrifiait Lydda et auquel
une princesse allait être sacrifiée.
    — Saint Georges ! s’exclama Chefalitione. Le saint
patron de Venise… Et maintenant, qui la possède ?
    — Cette épée n’a jamais eu d’autre maître que saint
Georges, et la légende veut qu’elle choisisse elle-même son porteur. Le dernier
homme à l’avoir ceinte était le petit roi lépreux, Baudouin IV de
Jérusalem, qui la tenait de son père, Amaury.
    — A-t-elle un nom ?
    — Crucifère.
    Chefalitione allait poser une autre question, lorsque la
vigie s’écria :
    — Terre en vue !
    Un instant plus tard, La Stella tangua sur tribord,
tant il y avait de monde sur le pont pour regarder la Sicile. Les cordages
filèrent. On affala les voiles dans un grincement de poulies. Des côtes
rocailleuses apparurent. Elles se détachaient, grises et vertes, dans la brume
du petit jour. Bientôt, La Stella croisa quelques barques de pêcheurs,
qui saluèrent le convoi de navires vénitiens à grands coups de sifflet,
auxquels les marins de La Stella répondirent de même. Ces appels se
mêlaient aux cris des mouettes, qui tournoyaient au-dessus des mâts.
    Ils accostèrent sur un embarcadère humide, où leur arrivée
fut fêtée avec effusion. Le capitaine du port leur annonça qu’ils étaient
attendus.
    — Par qui ? demanda Chefalitione, étonné.
    — Par Son Altesse Guillaume II. Je suis surpris
que vous ne soyez pas déjà au courant…
    En ce temps-là, les nouvelles allaient vite.
    Un écho précédait la rumeur, qui devançait la nouvelle, qui
annonçait les faits. C’était la mi-juillet, jour de la Saint-Molibée, et déjà,
l’avant-veille, un bruit avait traversé Palerme : « La Sainte Croix
est tombée, les Sarrasins l’ont prise. »
    Guillaume II, dit le Bon, avait cherché à en apprendre
un peu plus.
    On lui rapporta qu’un navire avait quitté Tyr pour Rome,
avec un archevêque à son bord.
    « Alors il nous rendra visite », avait prédit
Guillaume.
    Ce n’était pas la première fois qu’une prédiction faite

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