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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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qu’elle se disait qu’il devait
être possible de l’avoir pour moins cher, même si la plupart étaient fort mal
en point. Leurs côtes saillaient de leurs lambeaux de vêtements, des plaques de
gale laissaient à nu les pustules de leur tête, et dans leur barbe clairsemée
courait une vermine, émanation de la pédiculose qui leur rongeait le
bas-ventre. Une toux rauque arrachait à certains un dernier souffle de
vie : ils mourraient dans la soirée, ou le lendemain.
    — Le mien est mieux ! clama le Kurde qui – en
bon commerçant – avait devancé les inquiétudes de sa cliente. Il a été
soigné, on s’est occupé de lui ! C’est un esclave très particulier !
Saladin lui-même (que le Très Haut l’ait en Sa sainte garde) l’a converti à
l’Islam.
    — S’il est si particulier, pourquoi n’a-t-il pas déjà
été acheté ?
    — C’est qu’il nous fait peur. On dit qu’il parle aux
fantômes et qu’il entend et voit des choses qui nous échappent. C’est un ancien
moine guerrier, tu peux comprendre ça ? Peut-être même un héros !
    — Si vous le trouvez effrayant, alors il ne vaut pas si
cher, argumenta Fémie.
    — Diable ! Tu es dure en affaires ! Huit
dinars !
    — Cinq.
    — Cinq ! Mais cela ne rembourse même pas les soins
qu’il a reçus. On l’a soigné dans le meilleur des maristans de la ville, le
bimaristan al-Nûrî, où un kahhâl s’est occupé de son œil. Ibn al-Waqqar
lui-même l’a soigné. C’était le médecin de Nur al-Din, probablement le meilleur
médecin au monde – après Moïse Maïmonide bien sûr, qui est celui de
Saladin (la paix soit sur lui). Malgré les apparences, cet homme est en
meilleure forme que toi et moi. C’est un homme nouveau à présent. Il vivra plus
longtemps que ton âne, je te le jure !
    Fémie poussa un soupir et porta son regard vers les autres
esclaves, la lie des prisonniers faits à Hattin. On les vendait par lot de
quatre ou cinq pour le prix d’un seul. On se disait qu’un, peut-être,
survivrait. Car ces hommes étaient las de vivre. On les avait aidés à tenir jusqu’à
Damas, mais depuis on ne s’en souciait plus. Ils pouvaient mourir, cela ferait
autant de bouches en moins à nourrir. De toute façon, on ne leur donnait plus à
manger. Les nobles avaient été échangés contre rançon. Les cavaliers, les
meilleurs des piétons, les archers, les arbalétriers avaient ensuite été vendus
pour un bon prix. Puis les femmes et les enfants. Mais les vieillards, les
laides, les infirmes, on ne savait qu’en faire. Les Sarrasins en avaient trop.
Ce surcroît de marchandise suppurante leur donnait la nausée. Faute de place,
la nuit, on les faisait dormir à même la poussière des rues. Seuls les plus
précieux, comme Morgennes, étaient rentrés dans les prisons ou dans les
entrepôts. Il avait ainsi passé plusieurs nuits dans la cellule où naguère
Eudes de Saint-Amand, alors maître des Templiers, avait croupi après sa capture
à la bataille du Marj ‘Ayun – des graffitis aux murs en attestaient.
    Le Kurde commençait à s’impatienter, quand Massada revint.
Il tenait une laisse de cuir passée au cou d’un jeune esclave à peine plus haut
qu’une épée. L’adolescent avait pour tout vêtement un maigre pagne, et marchait
pieds nus. Malgré le lien qui l’attachait à Massada, son allure était souple,
son regard plein de vie. Il avait les lèvres écarlates et le cheveu soyeux. Sa
peau avait été huilée, et ses ongles étaient faits. Était-ce l’un de ces
esclaves qu’on achète pour se donner du plaisir ? Quelle folie était
passée par la tête de Massada ? Lui, en tout cas, avait l’air soulagé. De
temps à autre, il jetait de petits coups d’œil en direction du groupe
d’esclaves où se tenait Morgennes. Les yeux dans le vague, il se hâtait vers la
carriole. Arrivé à quelques pas de sa femme, il désigna l’esclave nouvellement
acquis, et lança :
    — Fais monter ça. On s’en va.
    Fémie descendit, passa entre Morgennes et le marchand
d’esclaves, et installa le jeune esclave à l’arrière, avec la chienne.
    — Massada !
    Fémie pivota sur elle-même, stupéfaite. Carabas ne s’était
donc pas arrêté par hasard devant cet esclave. Il connaissait son mari. Massada
se figea un instant, comme paralysé, puis s’installa confortablement. Il
empoigna les rênes de Carabas, fit claquer sa langue afin de lui intimer
l’ordre du départ, mais Carabas ne

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