Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
Vom Netzwerk:
Pour passer le temps, on devise avec son voisin, on parle
mariages ou affaires, ou l’on s’absorbe dans la contemplation des nombreux
minarets qui dominent les murailles comme autant de phares. Tout cela sous un
soleil aux rayons démultipliés par l’immense coupole de la mosquée des
Omeyades, construite en 706 par le calife al-Walid au début de son règne. Elle
s’élève au-dessus de la ville tel un arc-en-ciel d’or. En vérité, la ville
mérite on ne peut mieux son surnom de « grande silencieuse et
blanche ».
     
    Damas avait pourtant connu bien des heures sombres.
    Après avoir été pendant de longues années l’objet de luttes
entre Francs et Sarrasins, ceux-ci finirent par l’emporter en 1154 quand Nur
al-Din s’assit sur son trône – avant d’y être remplacé par Saladin en
1174.
    Louis VII en son temps avait essayé de s’en emparer,
pour le compte des Francs, sur les conseils de sa femme Aliénor (elle-même
conseillée par Chirkouh, l’oncle de Saladin). Mais il avait fini par renoncer,
car, si la ville tenait bon, sa femme, elle, avait succombé aux assauts
énamourés de Chirkouh.
    Après la perte d’Édesse, l’échec de cette expédition s’était
ajouté à la longue liste des déboires des Francs en Terre sainte et avait
transformé Damas en un ennemi implacable de l’Occident. Néanmoins, la ville se
targuait d’abriter l’une des plus anciennes communautés chrétiennes d’Orient,
et possédait une des toutes premières églises : Sainte-Marie. Pour autant,
les mosquées l’emportaient largement sur les églises. On voyait bien plus de
minarets que de clochers pointer leur doigt vers le ciel, et, à l’heure de la
prière, les appels des muezzins couvraient le chant des cloches. Mais les
chrétiens, comme les Juifs, y vivaient côte à côte avec les Mahométans.
    D’un point de vue stratégique, Damas était très importante
car elle scellait l’union entre les deux royaumes d’Égypte et de Syrie. Plus au
nord, elle gênait les mouvements de Constantinople – même si, depuis le
règne d’Isaac Ange, le vieil Empire byzantin se montrait favorable à Saladin.
    Enfin, Damas était depuis quelques années la cible
d’attaques et d’infiltrations menées par des Batinis. Ils descendaient de leurs
forteresses du djebel Ansariya, et s’en venaient semer le trouble dans la
ville, ou, plus discrètement, s’y établir. C’est ainsi qu’ils avaient réussi à
tisser un efficace réseau d’informateurs, qui renseignait leur maître,
Rachideddin Sinan, sur les mouvements de Saladin – et sur ses intentions.
     
    Massada et Fémie se laissèrent guider par Carabas. Ils
passèrent la porte d’As-Sagïr et se firent conduire vers la partie haute de la
ville, où se trouvait le marché aux esclaves. Posés plus qu’assis sur leur
siège, ils ne manifestaient aucune émotion – bien que Massada en ressentît
de toutes sortes, parfois contradictoires. À la colère se superposait la joie
de se sentir enfin libre, enfin dans le Vrai. Comme si en acceptant Carabas
pour guide il avait trouvé sa voie.
    Certes, la route était lente, encombrée, et il devrait la
faire avec sa femme. Certes, les Templiers étaient à ses trousses, et il avait
dû abandonner toute sa marchandise et son dernier esclave. Mais au bout se
trouvait, il en était sûr, ce qu’il cherchait depuis toujours : une vie
d’aventure.
    Fémie était tendue. Le voyage l’avait fatiguée. La petite
chienne s’était postée à l’avant, entre elle et son mari, et regardait, ravie,
la gueule grande ouverte, passer le décor des rues. Il n’y a pourtant pas lieu
de se réjouir, se dit Fémie. Elle ruminait de sombres pensées, quand la foule
s’écarta, libérant le passage vers la ville haute. La carriole eut un
soubresaut et se dirigea vers une estrade où s’alignait une série d’hommes et
de femmes enchaînés. Des esclaves. Des marchands, fouet à la main, beuglaient
pour attirer les chalands et annonçaient des prix défiant toute concurrence.
Avisant un des prisonniers, Fémie se tourna vers son mari :
    — Regarde ! Mais regarde ! s’écria-t-elle.
    Massada ne disait rien, se contentant de sourire niaisement.
Alors Fémie tendit le bras pour le secouer, et s’aperçut qu’il s’était assoupi.
    — Réveille-toi ! lança-t-elle. On est
arrivés !
    Massada ouvrit les yeux, et vit, non loin de Carabas, un
homme enchaîné. En dépit d’un bandeau à l’œil droit et de

Weitere Kostenlose Bücher