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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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sera la
dernière. Écoute-moi bien, misérable : acceptes-tu les bijoux ?
    — Les bijoux, oui, l’or, l’argent, tout ce qui fait
briller les yeux des femmes et permet à un homme de s’en faire bien voir…
    — Alors paie-toi sur elle ! dit magistralement
Massada en désignant Fémie. Elle a tout ce qu’il te faut, et même plus.
    Le Kurde s’approchait de Fémie, excité à la vue des bijoux qui
couvraient cette femme des pieds à la tête, lorsque Massada le prit par
l’épaule et lui demanda, main tendue :
    — Marché conclu ?
    — Marché conclu ! s’exclama le marchand.
    Il serra la main de Massada, et repartit à vive allure vers
Fémie. Celle-ci regardait son mari les yeux embués de larmes. Ses bijoux
étaient toute sa beauté, sa seule parure. Elle en était arrivée à la considérer
comme naturelle tant elle faisait partie d’elle. Ses colliers, bagues, anneaux,
broches, boucles d’oreilles et bracelets ne la quittaient jamais. Privée de ses
colifichets, elle redevenait ce qu’elle était : grosse, laide et vieille.
Fémie bredouilla quelques mots, à peine audibles, et que personne n’écouta.
    — Allons, femme, va chercher ton esclave ! ordonna
triomphalement Massada, avant de lancer à la cantonade : voilà comment on
fait des affaires ! Prenez-en de la graine !
    L’insulte était terrible, Massada le savait. Mais il avait
retrouvé dans cette péripétie un semblant de fierté, un peu du fier négociant
qu’il était encore il n’y a pas si longtemps. En outre, Morgennes lui avait
promis de l’aider…
    Au moment même où le marchand d’esclaves – qui n’avait
laissé à Fémie qu’une broche sans valeur, en forme de palmier – libérait
les captifs, le manchot dégaina son kandjar pour en frapper Morgennes. Encore
tout endolori, l’Hospitalier eut néanmoins le réflexe de se baisser. Il évita
la lame de justesse, fit une roulade, recula de quelques pas, et laissa les
mamelouks du marchand d’esclaves prendre le relais tout en se dirigeant vers la
carriole.
    Le manchot et ses amis s’apprêtaient à poursuivre Morgennes,
lorsque Kunar Sell sortit de sous sa cape une lourde hache danoise :
    — Ne le touchez pas, il est à nous !
    L’un des brigands abattit sa masse sur le géant nordique et
le manqua de justesse. Le Templier fit alors voler son manteau dans la figure
de son adversaire, qui vacilla, surpris ; puis il lui enfonça son arme
dans la poitrine, avant de l’y faire pivoter d’un brusque mouvement du poignet.
Il y eut un affreux craquement d’os. Le Maraykhât eut un hoquet, cracha un peu
de sang et s’effondra quand Kunar Sell retira sa hache.
    Aussitôt, les hommes en gris placés aux quatre coins du
marché fondirent vers les Templiers, apparemment pour leur porter secours. Ils
lardèrent de coups de couteau les malheureux qui se trouvaient sur leur
passage, renversèrent les poêlons où l’on faisait brûler le café et jetèrent
des projectiles incendiaires. La foule fut prise de panique. Dans la bousculade
qui s’ensuivit, la carriole tenta de faire demi-tour, Carabas s’étant enfin
décidé à bouger. Morgennes, debout sur le siège de l’attelage, lança à ses
anciens compagnons d’infortune :
    — Vous êtes libres ! Partez ! Fuyez !
    Les esclaves, épuisés, hébétés, ne réagirent pas
immédiatement. Puis ils commencèrent à se mouvoir, lentement, vers la ville
basse, où tout le monde se dirigeait. Enfin, alors que le marchand d’esclaves
s’esquivait, le manchot lui planta son kandjar dans le cou en criant :
    — C’est avec nous que tu aurais dû traiter, je t’avais
prévenu !
    Les mamelouks, qui jusqu’alors s’étaient tenus en dehors du
combat, s’y jetèrent corps et âme. Ils donnèrent avec leurs guisarmes des coups
si puissants qu’ils firent de nombreuses victimes. Soudain, les trompettes de
la garde résonnèrent : les soldats de l’atabeg arrivaient. Ils ne feraient
pas de détails, et tueraient quiconque se trouverait là. Ce fut le
sauve-qui-peut général.
    La carriole disparut dans un étrange mouvement de
foule : la marée humaine s’ouvrait sur son passage pour se refermer
ensuite, formant entre elle et ses poursuivants une vivante muraille. Elle
s’éloignait inexorablement, malgré les efforts de ses poursuivants pour revenir
à sa hauteur. Il y avait trop de monde, trop de cris, trop de peur. Il y avait
surtout trop de trajectoires qui s’annulaient, s’opposaient ou

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