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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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à
boire ! lui lança Massada pour changer de sujet.
    — Avec plaisir, maître ! répondit le jeune homme
en lui versant un bol de vin.
    — Et ne m’appelle pas « maître ». Ton
prédécesseur m’appelait « docteur », tu peux m’appeler de même.
    — À vos ordres, docteur !
    En entendant l’enfant l’appeler ainsi, Massada se rengorgea
en même temps qu’un grand sourire s’affichait sur son visage.
    — C’est sûr qu’avec moi il n’a pas droit à tout ça,
ronchonna Fémie. À croire qu’il ne s’est payé ce gamin que pour être flatté et
s’entendre appeler « docteur », lui qui ne sait même pas lire !
    Morgennes ne fit aucun commentaire, mais demanda à l’adolescent :
    — Et toi, comment t’appelles-tu ?
    — Yahyah ! répondit l’enfant.
    — Yahyah ? Mais ce n’est pas un nom !
s’étonna Massada.
    — Si, c’est le mien !
    — Qui te l’a donné ? demanda Morgennes.
    — Personne. Je me suis nommé tout seul.
    — Tu n’as donc pas de parents ?
    — Pas que je sache.
    Morgennes et Massada échangèrent un regard, interloqués à la
fois par son audace et par sa naïveté.
    — Se moquerait-il de nous ? souffla Massada.
    — Je ne pense pas. Il a l’air sincère.
    — Drôle d’enfant, en tout cas, commenta Massada.
    — Ça te va bien de dire une chose pareille, ronchonna
Fémie. Tu n’es même pas capable d’avoir un âne ordinaire, et tu t’achètes un
esclave qui s’est nommé tout seul !
    Massada ne répondit pas, mais n’en pensa pas moins :
« Le plus incroyable, ce n’est pas lui, ni l’âne : c’est que j’aie pu
t’épouser toi. » Mais il savait qu’en disant cela il repartait pour des
heures et des heures de chamailleries et de tracas divers. Ses oreilles en
tintaient déjà. Mieux valait faire comme d’habitude : se taire, et
continuer.
    — Hue ! lança-t-il en claquant les rênes au-dessus
de Carabas.
    L’âne fit un pas en avant, et la petite carriole s’ébranla
en direction des montagnes, vers le nord.
     
    Le voyage dura plus d’un jour et demi.
    La nuit était tombée lorsqu’ils obliquèrent pour longer par
le sud le lac de Homs, dont les eaux réfléchissaient une lune diaphane.
    Morgennes exigea, lorsque l’heure de la prière approcha,
qu’on arrêtât la carriole afin de les laisser descendre prier, Yahyah et lui.
Cela mit Massada très en colère. Il s’agita autour de Morgennes.
    — Je ne comprends pas, disait-il. Cet enfant, passe
encore, mais toi ? Personne n’est là pour te surveiller, tout le monde ici
se moque que tu pries ou non, et toi, tu ne trouves rien de mieux que de nous
faire perdre notre temps !
    — Le temps que je passe à prier n’est pas perdu. Nos
poursuivants le passent eux aussi dans la prière.
    — Pas les Templiers ! Et puis, tu n’es pas
mahométan !
    — Je suis mahométan, ou ma parole est sans valeur. J’ai
renié la Croix et crié la Loi. Si ma parole ne vaut rien, alors je ne vaux pas
mieux. Aujourd’hui, si je suis mahométan, c’est parce qu’hier j’étais chrétien.
J’y mets autant de foi et d’ardeur, j’y crois tout autant.
    — Alors tu n’y croyais pas, ou tu ne crois en rien !
s’écria Massada.
    Morgennes se rembrunit. Renier la Croix avait été à la fois
plus terrible et plus facile que ce à quoi il s’était attendu. Il se trouvait
dans un état étrange, dans une sorte de non-religion, ou de religion qui ne
disait pas son nom. Mais ce dont il avait envie, par-dessus tout, c’était qu’on
le laisse en paix.
    — Je prie, le reste importe peu, dit-il à Massada.
    Massada fut à deux doigts de s’arracher les rares cheveux
qu’il lui restait sur le crâne. Ce qui le troubla le plus, c’était l’incapacité
dans laquelle il était de discerner si Morgennes était ou non de mauvaise foi.
« Il ferait un très mauvais client », pensa-t-il. Lui qu’il avait
connu si pieux, si dévot, si bon Hospitalier. Comment pouvait-on à ce point
changer de religion sans se sentir un tant soit peu en contradiction avec
soi-même ? Et cette histoire de foi qu’on adopte et de dieu auquel on se
met à croire parce qu’on l’a décidé, sous la menace d’une arme ! Massada
avait fréquemment entendu parler de conversions forcées, notamment dans le cas
de Juifs obligés de se convertir au christianisme, mais il n’avait jamais
entendu dire que cette conversion fût sincère. Au contraire. À chaque fois, les
laps

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