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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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Jérusalem. Mais mon
devoir m’oblige à me rendre à la forteresse hospitalière la plus proche. Le
krak, dans le cas présent.
    — Te jugeront-ils ?
    — Certainement.
    — N’as-tu pas peur ?
    — Il est dans la nature des choses que je sois jugé.
Alors, demain soir ou dans un an, cela ne fait aucune différence. Mieux vaut
devancer l’appel.
    — N’y a-t-il rien plus au nord ?
    — Le djebel Ansariya et ses Assassins. Mais, si tu veux
ton argent, mieux vaut aller au krak…
    — Va pour les Hospitaliers ! s’enthousiasma
Massada.
    — C’est aussi mon avis, ajouta Morgennes, qui ne
parvenait pas à détacher son regard du foulard noué au bras du Juif. Où as-tu
trouvé cela ?
    — Par terre, sur la route. Un peu avant Damas. À côté
d’un chameau massacré, il y avait plusieurs cadavres, ce foulard, et la
chienne.
    — As-tu vu un cadavre de jeune femme ?
    — Non. Il n’y avait que des hommes, et un adolescent.
Pourquoi cette question ?
    — Pour rien, répondit Morgennes, qui avait cru reconnaître
le foulard de Cassiopée.
    Les deux hommes échangèrent un regard.
    Des souvenirs, vieux du temps de Baudouin IV, leur
revinrent à l’esprit.
    C’était à cette époque qu’ils s’étaient connus :
Morgennes était venu trouver Massada à Nazareth pour lui demander conseil au
sujet d’une relique. L’affaire s’était, hélas, très mal terminée. Les deux
hommes ne s’étaient pas revus depuis et n’avaient jamais parlé à quiconque de
la mission qui les avait fait se rencontrer. À vrai dire, très peu de gens
étaient au courant de ce qui s’était tramé à l’époque, et, de toute façon,
aujourd’hui tous avaient péri, hormis, peut-être, Raymond de Tripoli et Alexis
de Beaujeu, le commandeur du krak.
    — Tous ces épisodes me paraissent appartenir à une autre
vie, avoua Morgennes à Massada.
    — Mieux vaut laisser ces souvenirs tranquilles. Je les
paye encore assez chèrement.
    — Je te l’ai déjà dit, je ne t’en veux pas. Au
contraire. Je peux même t’aider, je te l’ai promis…
    — Si vous pouviez cesser de parler par énigmes…,
maugréa Fémie, exaspérée. Depuis que vous vous êtes retrouvés, vous vous jetez
des regards et parlez entre vous de choses mystérieuses. On dirait que vous
avez commis un crime…
    — Tu n’es pas loin de la vérité, concéda Massada.
    — Je ne dirai rien, fit Morgennes. Par respect pour
votre mari. C’est à lui de vous apprendre ce qui s’est passé, pas à moi. Sachez
simplement que c’est un homme généreux, même s’il lui arrive parfois de se
laisser aveugler par l’appât du gain.
    — C’est donc ça ! s’écria Fémie, comme si le fait
qu’il soit question d’argent rendait l’affaire moins grave et lui faisait
trouver grâce à ses yeux.
    — On y va ? demanda d’une petite voix timide le
jeune esclave acheté par Massada à Damas.
    Il se tenait à l’arrière, la chienne dans les bras.
    — Je connais cette chienne, tu sais, dit Morgennes. Je
l’ai vue alors que je m’étais échappé, après avoir été capturé par les hommes
de Saladin, à Hattin. Elle errait parmi les morts. J’ignore si elle cherchait
un maître ou à manger.
    — Peut-être un peu des deux, dit le gamin.
    — Elle les a maintenant en quantité, ajouta Massada.
Pourvu qu’elle nous en soit reconnaissante.
    — Oh, fit Morgennes, je ne compterai pas trop
là-dessus. Je l’ai même trouvée un peu ingrate. Enfin, c’est une autre
histoire.
    — Vous me la raconterez ?
    — Bien sûr.
    L’adolescent était aux anges.
    En fait, il se montrait heureux de tout. Sa condition
d’esclave ne semblait pas le gêner. « J’ai connu pire », disait-il
dans un grand sourire. Mais on ne savait jamais quoi. Lui aussi avait des
secrets douloureux, qu’il s’efforçait d’oublier. En revanche, il se vantait de
savoir faire beaucoup de choses : des sandales, des pagnes, des épieux,
des filets, cuire les viandes et les poissons. Quand l’occasion s’en
présentait, il savait aussi s’occuper des animaux, polir une arme et parler aux
dames. La liste de ses talents paraissait interminable. Il en ponctuait
l’énoncé de nombreux compliments adressés à Massada, tels que :
« Vous m’avez vraiment bien choisi », ou encore : « Même
moi je n’aurais pas fait mieux ! » Il les disait en cillant,
pince-sans-rire, le soleil dans les yeux.
    — Allons, tais-toi donc, et donne-moi plutôt

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