le collier sacré de Montézuma
l’avait rassuré en lui confiant que l’escrime ne lui était pas étrangère et qu’il l’avait pratiquée dans sa jeunesse. Il n’en restait pas moins méfiant en vertu de l’adage affirmant que personne n’est plus dangereux qu’un maladroit. Il préférait cependant cette arme au pistolet. Faugier-Lassagne, lui, était proprement terrifié à la pensée qu’appartenant à la bonne société lyonnaise il pourrait être reconnu par un quidam quelconque. Aldo, lui, subissait avec agacement une épreuve qu’il jugeait grotesque sans qu’elle l’inquiétât le moins du monde. Pour lui, c’était du temps perdu ! Rien d’autre ! Et cela à un moment où, à peu près sûr de mettre la main sur les émeraudes de Montezuma, sa pensée s’attachait surtout aux moyens – quels qu’ils fussent ! – de les récupérer. Le tour pendable que lui avait joué la baronne Agathe lui ôtait jusqu’à l’ombre d’un scrupule.
Enfin, on fut à destination.
Construit l’année précédente par un noble espagnol, le château de Brindos, d’architecture mêlant harmonieusement le moderne et le néo-mauresque, reflétait sa blancheur de palais arabe dans un beau lac où glissaient de majestueux cygnes neigeux. Un parc immense planté de pins noirs l’entourait et, dans la lumière encore incertaine du petit matin, il évoquait plus que jamais un château de légende. Les fêtes dont il était le cadre étaient sublimes mais pour le moment il sommeillait…
Aldo et les siens étaient juste à l’heure mais l’adversaire les avait précédés, ainsi qu’il convenait puisque le propriétaire de Brindos était une relation du général. Celui-ci faisant office de directeur du combat, on avait déniché un autre témoin, russe celui-là. On avait délimité le terrain choisi, abrité par un rideau d’arbres et, un peu à l’écart, un médecin préparait, sur une table pliante, les instruments et pansements de premiers secours.
— Dieu, que c’est agréable à contempler par un joli matin de printemps ! grommela Adalbert. En outre, ton adversaire a une tête à claques. Un bon match de boxe eût été plus amusant !
C’était aussi l’avis d’Aldo mais il fallait se contenter de ce qu’on avait… À l’exception de la chemise et du pantalon, les combattants se dévêtirent, ce qui permit à Aldo de constater que le baron affichait une bedaine confortable. Ils se réunirent ensuite avec le directeur qui mesura les épées qu’il avait apportées, donna ses instructions puis recula en ordonnant :
— En garde, Messieurs !
Ce que l’on fit dans les règles séculaires de l’académie duelliste. Chose curieuse, à voir en face de lui cet homme rougeaud qui le regardait d’un air féroce en brandissant sa lardoire, Aldo fut pris d’une soudaine envie de rire. C’était d’un ridicule !…
Les fers venaient de s’engager quand, à sa surprise, il entendit une paisible voix émettre la même opinion. D’un pas tranquille, tenant d’une main la laisse d’un cocker caramel et de l’autre une canne d’affût, une dame d’un certain âge effectuait son apparition. Petite et plutôt ronde, elle n’en avait pas moins l’allure d’une impératrice. Admirablement habillée d’un tailleur gris clair, une cape anglaise en homespun négligemment jetée sur les épaules, une écharpe de soie enveloppant sa tête aux cheveux argentés, la nouvelle venue poursuivait son discours comme si de rien n’était :
— … et quand je dis ridicule, je pèse mes mots. Grotesque serait plus approprié ! Cette scène hors d’âge ressemble à une bouffonnerie !
— Belle-maman ! rugit Waldhaus. Que nous vaut votre présence ? Ceci est une affaire d’hommes et vous n’avez pas à vous mêler de ce qui ne vous regarde pas.
— Ah, vous trouvez ? Ce n’est pas mon sentiment dès l’instant où vous faites bon marché du renom de notre famille en vous livrant à des gesticulations de gamin.
— Il ne s’agit pas de renom mais d’honneur !
— Qu’est-ce que l’honneur vient faire là-dedans ? Je n’en vois aucun à tenter d’éborgner un membre de l’aristocratie européenne, mondialement connu en tant qu’expert en joyaux anciens, sur un vague racontar…
— Un vague racontar ? L’aveu formel par ma femme qu’il est son amant ? Que vous faut-il de plus ?
— La vérité ! Il se trouve que je la connais… Il n’y a pas un mois qu’Agathe a rencontré le prince
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