le collier sacré de Montézuma
a abandonné le domicile conjugal et si en outre elle a un tendre ami, le divorce la mettra au ban de la bonne société !
— Si vous me laissiez parler ? Notre Agathe a, désormais, le meilleur des prétextes. J’allais vous apprendre que, après ton départ, Aldo, Waldhaus l’a battue comme plâtre. En rentrant hier matin, M me Timmermans l’a trouvée dans cet état et a immédiatement appelé son médecin. En dépit des objurgations de sa femme de chambre, la baronne n’avait pas osé par crainte du ridicule. Le chirurgien l’a transférée sans attendre dans sa clinique où, dans l’après-midi, le capitaine de gendarmerie est venu dresser un constat. Tu vois, mon cher, tu es vengé.
— Je n’en demandais pas tant ! Elle est très abîmée ?
— Pas mal à ce qu’il semble. Un œil poché, une balafre à la commissure des lèvres due à une chevalière agressive et de copieux hématomes sur les épaules et sur le cou. Ça s’arrangera mais pour le moment elle n’est pas belle à voir.
— Mais quel cuistre ! Je commence à regretter de ne pas avoir pu l’embrocher ce matin ! fit Aldo, indigné.
— Elle devrait plaire un peu moins à cet amant qu’elle a protégé à la perfection, remarqua Plan-Crépin avec satisfaction. Sait-on qui il est ?
— Un banquier belge richissime qui, pour la voir de temps en temps, a acheté dans la banlieue de Vienne une maison, pas grande mais somptueuse, enfouie dans un jardin luxuriant – c’est le cas de le dire ! – et sous la protection d’un serviteur de confiance. Il paraît qu’il en est fou et Agathe le paierait de retour… Cette fois, elle n’aura aucune peine à obtenir le divorce.
— Une divorcée ? Elle ne sera plus reçue dans la bonne société, glapit Marie-Angéline qui tenait à son idée.
— Je ne vous savais pas si féroce, Plan-Crépin, coupa la marquise d’un ton las. Après tout, la bonne société, comme vous dites, n’est plus ce qu’elle était depuis la guerre. Tout change, vous savez ! Cela posé, nous pouvons, je pense, considérer cette affaire comme classée en ce qui nous concerne ?
— Celle-là oui, reprit Adalbert. Reste celle de l’éventail. Par chance – ou son contraire ! – je suis dans les meilleurs termes avec M me Timmermans. Je l’ai invitée à dîner ce soir à la Réserve pour en savoir davantage sur ses projets immédiats et comment il serait possible de récupérer les émeraudes, puisque tu penses, Aldo, qu’elle les a…
— On ne peut jurer de rien mais si elles se trouvent vraiment dans le double fond d’une boîte, ce ne peut être que celle-là ! À moins qu’elles n’aient été découvertes, ce qui m’étonnerait : la boîte est légèrement plus lourde qu’il ne le faudrait ! D’autre part, j’ai reçu ce matin un courrier de Maître Lair-Dubreuil m’informant qu’aucun des coffrets à éventails hérités par la famille de l’impératrice ne peut receler de cache.
— Donc il faut arriver à explorer celui-là, et à l’insu de sa propriétaire. J’ai beau avoir conscience que ce ne sera pas un vrai vol, je ne vous cache pas que cette fois je me sens gêné. Cette femme est extraordinaire ! J’avoue qu’elle me fascine.
— Normal, grogna Aldo, elle t’adore. Pourquoi ne pas l’épouser ? Tu nageras dans le chocolat jusqu’à la fin de tes jours ! Et l’un des meilleurs qui soient !
Adalbert s’apprêtait à riposter quand un groom s’approcha de Morosini pour lui dire qu’on le demandait au téléphone. Aldo s’excusa, se leva et suivit le jeune garçon jusqu’à la discrète cabine ménagée dans l’espace dévolu à l’homme aux clefs d’or. Celui-ci, qui gardait encore l’écouteur à l’oreille, la lui indiqua du geste. Aldo s’y enferma, décrocha :
— Allô ! Ici Morosini !
Et il entendit le petit rire horripilant qui hantait parfois ses cauchemars. Son sang se glaça.
— Que me voulez-vous ? fit-il avec rudesse. Le temps imparti n’est pas révolu, que je sache ?
— En effet… Mais j’estime que vous le dépensez à mauvais escient ! Cette parenthèse mondaine me paraît hors de propos.
— Je suis meilleur juge que vous et dès l’instant où je fais en sorte de vous donner satisfaction, je me soucie comme d’une guigne de votre opinion.
— Vous peut-être mais d’autres pourraient se poser des questions. Votre femme par exemple, si elle apprenait vos relations avec certaine petite
Weitere Kostenlose Bücher