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le collier sacré de Montézuma

le collier sacré de Montézuma

Titel: le collier sacré de Montézuma Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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admettant que je puisse traîner mes falbalas jusque-là, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas aller y faire un tour ? J’ai toujours adoré les vieilles demeures et j’ai entendu parler de celle-là.
    — Parce que c’est mal habité ! Tout ce dont vous risquez d’écoper, c’est de coups de fusil à grenaille !
    — Oh ! émit Marie-Angéline, la mine offusquée. Et sauriez-vous nous dire, cousine Prisca, qui sont ces gens ?
    — Des Mexicains, à ce qu’il paraîtrait. Ils ont acheté le domaine cet automne. Urgarrain a été mis aux enchères en vente publique après la mort du dernier propriétaire, José Yturbide, revenu y rendre l’âme après avoir perdu, outre-Atlantique, la fortune que ses ancêtres avaient tirée de la chasse à la baleine. On l’a enterré dans le cimetière et le notaire s’est occupé de la liquidation des biens. Il y restait de belles choses parce que ceux d’avant avaient du goût et ça a attiré du monde, mais le contenant et le contenu ont été enlevés par un antiquaire de Paris qui l’avait acheté au nom de sa fiancée mexicaine. Mais je n’en sais pas plus ! Moi, les affaires des autres ne me regardent pas et si ces gens veulent vivre cloîtrés, ça les regarde !
    — Vous n’êtes pas curieuse, Prisca ! Vous arrive-t-il de lire les journaux ?
    — Le moins souvent possible et jamais ceux de Paris ! Les agissements de « leur » République m’indiffèrent ! À présent, je vais vous laisser faire la sieste ou achever votre installation. Faut que j’aille à la ferme rencontrer le vétérinaire. J’ai un taureau qui bat de l’aile…
    Elle quitta la terrasse en traînant ses grosses bottes sur le dallage mais se retourna avant de rentrer :
    — Si vous avez besoin de quoi que ce soit, adressez-vous à Fauvel. Elle s’entend mieux que moi à la maison…
    À l’énoncé de son nom, l’intéressée apparut comme par enchantement. Fauvel, ou plutôt Honorine de Fauvel pour lui donner son nom entier, jouait à Saint-Adour l’équivalent du rôle de Marie-Angéline rue Alfred-de-Vigny. Du même âge que sa cousine et employeuse, la soixantaine sonnée, elle remplissait deux tâches bien différentes : veiller à la bonne marche de la maison où elle régnait pratiquement sur les trois domestiques et dire des prières.
    Il faut expliquer que, dans sa jeunesse, M lle  de Saint-Adour, qui n’était pas plus vilaine qu’une autre et possédait une belle fortune, avait obstinément refusé de se marier par crainte de devoir confier à un époux plus ou moins fiable le soin de gérer ses biens. Afin de ne pas être traitée de vieille fille et d’avoir droit au vocable Madame, elle s’était fait recevoir chanoinesse d’un chapitre bavarois où elle ne mit les pieds qu’une fois, la guerre s’étant par la suite chargée de disperser bien des gens. De cette opération, elle avait retenu un document qu’elle appelait son « mari de parchemin », et l’obligation de dire chaque jour l’office du couvent. Comme cet exercice l’assommait, elle avait récupéré Honorine, chargée par elle de s’acquitter de ce devoir en ses lieu et place. Autrement dit, Honorine, tout en aidant la cuisinière à préparer les confitures, récitait à heures fixes les heures canoniales. Pour l’édification de tous, elle accomplissait cette tâche avec beaucoup de dignité. C’était une personne longiligne, assez évanescente pour qu’en la voyant flotter à travers les pièces et se poser parfois sur un fauteuil d’un air exténué, ceux qui ne la connaissaient pas eussent tendance à chercher autour d’eux un éventuel flacon de sels d’alcali. Elle se vêtait de tuniques blanches ou grises selon la saison, descendant jusqu’à ses pieds immenses chaussés immuablement de souliers noirs à bouts carrés et à boucles d’argent comme en mettaient jadis les ecclésiastiques, qui pouvaient la porter à travers la maison à une vitesse étonnante. Quant à ses « frondaisons », selon l’expression de la chanoinesse, elles étaient ramassées en un épais chignon de nattes poivre et sel sévèrement tirées et adoucies seulement sur le front par une frange de petites mèches frisottées dont elle prenait un soin extrême.
    Plus grande d’une bonne demi-tête que M me  de Saint-Adour, elle formait avec elle une équipe surprenante mais qui fonctionnait, la chanoinesse assurant tous les devoirs d’un gentilhomme fermier sans cesse

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