le collier sacré de Montézuma
l’aime !
— C’est difficile à croire : vous devez être l’un des dix ou douze hommes les plus séduisants d’Europe…
— Et pourtant c’est la réalité. Il y a une princesse Morosini et pas la moindre coadjutrice !
— Vous êtes marié depuis combien de temps ?
— Cinq ans !
— Est-ce que, il y a deux ou trois ans, vous n’avez pas eu des problèmes avec une comtesse russe que vous étiez accusé d’avoir tuée dans une crise de jalousie ? Les journaux en ont beaucoup parlé.
La moutarde dont il n’avait cependant pas usé monta au nez susceptible d’Aldo. Ce joli pot de miel commençait à l’agacer furieusement :
— J’ignorais qu’on en avait parlé jusqu’en Autriche ?
— Je ne sais pas, j’étais à Paris à cette époque… l’histoire était passionnante…
— Alors j’espère que vous l’avez lue jusqu’au bout ? Dans ce cas, vous savez aussi que non seulement je n’ai pas tué cette malheureuse mais que j’étais en danger de mort…
— Ah non, je n’ai pas su la fin. Mon mari est venu me chercher et nous sommes partis ensemble pour New York… Mais racontez !
Un coude sur la table, le menton dans la main et la mine engageante, elle s’installait. Le dîner touchait à sa fin et l’on en était au café. Aldo y renonça, ce qui n’était pas un grand sacrifice, regarda sa montre et fit signe au maître d’hôtel pour qu’il lui apporte l’addition :
— Une autre fois, baronne ! Je vais vous demander la permission de vous laisser boire seule votre café. J’ai eu une journée épuisante et j’ai tellement sommeil que je risquerais de m’endormir devant vous… Ce serait désastreux !
Elle arbora aussitôt la mine boudeuse d’une gamine à qui sa maman refuse de raconter une histoire en la mettant au lit. Elle sembla même si déçue qu’Aldo se demanda un moment s’il n’allait pas lui mettre un pouce dans la bouche faute de sucette à portée de la main… Il régla la note, se leva, salua :
— Je vous souhaite une bonne nuit, baronne !
— Moi… moi aussi ! On se retrouve demain au petit déjeuner ? ajouta-t-elle de nouveau pleine d’espoir. Et… vous me raconterez la suite ?
En regagnant sa cabine, Aldo pensa qu’il allait devoir renoncer aussi à ce premier repas qui était pour lui l’un des plaisirs d’un voyage ferroviaire international par la variété que l’on y trouvait. Il se contenta de prévenir le conducteur qu’il ne quitterait son sleeping qu’une fois le train entré en gare. Sans donner d’explications qu’en employé consciencieux Léopold ne lui demandait pas. Son lit était fait et il se coucha aussitôt, regrettant un peu d’avoir mis fin à une rencontre qui l’avait amusé et grâce à laquelle ses lourds soucis avaient fait trêve, mais la curiosité de cette jolie femme s’annonçait sans limites et il détestait, viscéralement, ce qui, de près ou de loin, pouvait ressembler à un interrogatoire !
Cependant il adressa au Seigneur une fervente action de grâce en pensant à ce qui aurait risqué de se produire si le mari jaloux qui devait le prendre pour l’amant de sa femme avait pu mettre un nom sur son visage…
Au matin, à peine le train eut-il serré ses freins qu’il jaillit de son compartiment – heureusement voisin de la portière ! – sauta sur le quai et prit sa course vers la sortie pour s’engouffrer dans un taxi…
C’était bien la première fois qu’il se comportait de façon si cavalière avec une femme mais il n’en éprouva qu’un regret fugace…
Dans la voiture qui le conduisait vers la place de Brouckère à l’hôtel Métropole qui avait ses préférences lorsqu’une affaire l’amenait dans la capitale belge, son regard accrocha un panneau-réclame à la gloire du chocolat Timmermans. Il haussa les épaules mais se promit d’en acheter avant de partir. Il adorait les produits du cacao et cette marque, il le savait, était la plus réputée d’Europe. Une façon comme une autre de demander mentalement pardon à la baronne Agathe de l’avoir plantée là, avant de la fuir avec tant de coupable désinvolture. Elle ne méritait peut-être pas ça !
DEUXIEME PARTIE
L’OMBRE S’ÉPAISSIT…
6
L’ÉVENTAIL ENVOLÉ
Avec sa débauche de bois précieux aux teintes chaleureuses, ses lumières douces, ses marbres, ses glaces miroitantes et son extraordinaire café baroque aux moelleux sièges de cuir, le Métropole de Bruxelles était
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