le collier sacré de Montézuma
vous donner la peine d’entrer dans la maison, elle doit être là…
Elle y était, en effet. Petite femme brune à l’air timide et doux, elle était occupée à repasser dans la grande pièce d’une propreté flamande qui servait à la fois de cuisine et de salle commune. Sur le coin de la cuisinière en fonte noire où chauffaient les fers, résidait la traditionnelle cafetière que l’on y tenait au chaud toute la journée. En voyant entrer cet homme élégant que son époux annonçait comme étant un prince, elle rougit furieusement et perdit contenance au point d’abandonner, au profit d’une espèce de révérence, l’outil brûlant sur la chemise qu’elle repassait. S’en apercevant, Aldo empoigna un tampon de protection, saisit l’instrument et le reposa sur le support prévu à cet usage.
— Je suis vraiment désolé de vous déranger, Madame, mais M. Labens, votre époux, m’a conseillé de venir vous demander des renseignements…
Ce faisant, il se trouva face à la cheminée sur le manteau duquel trônait, en belle place, un objet pour le moins insolite dans un tel endroit : un éventail de soie peinte à branches de nacre déployé sur la boîte oblongue de cuir bleu, et frappée au fer à dorer d’une couronne impériale, qui avait dû le contenir. Sous le choc de l’émotion, sa gorge se serra. Se pourrait-il…
— Oh, que c’est joli ! s’exclama-t-il. Et combien précieux, j’imagine !…
— Ça, vous pouvez le dire ! approuva Labens. C’est le trésor de M me Labens ! Sa Majesté elle-même le lui a offert le jour où elle a sauvé de la noyade son petit chien tombé dans l’étang… Elle l’aime tellement qu’elle ne peut pas le laisser dans sa boîte. Ce serait pourtant plus raisonnable : c’est fragile, ces trucs-là !
— Je la comprends, c’est un tel plaisir pour les yeux ! Voulez-vous me permettre de le voir… de plus près ? Je suis antiquaire…
La voix de l’épouse se fit enfin entendre :
— Ouiiii… mais faites bien attention !
Comme s’il s’agissait du saint sacrement, Aldo enleva l’éventail, le considéra un instant avec respect avant de le poser sur la planche à repasser puis prit la boîte, l’ouvrit… Son cœur battait la chamade. Si les pierres étaient dedans, comment s’y prendre pour les en faire sortir ?
Il n’eut pas à s’interroger longtemps. Il ne pouvait y avoir un double fond… Toujours avec la même lenteur et les mêmes précautions, il remit l’ensemble dans l’état exact où il l’avait trouvé puis se tourna, souriant, vers M me Labens :
— En dehors de sa valeur sentimentale pour vous, sachez, Madame, que c’est un objet de valeur : cet éventail a été peint au XVIII e siècle !
Il pensait à une œuvre de Boucher mais il ne le précisa pas. Cela pouvait paraître étonnant de trouver une pièce de musée chez un concierge de château mais l’impératrice pouvait avoir donné ce qu’elle avait sous la main et, au fond, il n’aurait pas été autrement surprenant, si l’on considérait son esprit dérangé, que l’éventail eût été serti de diamants…
Pour le remercier de son « expertise », M me Labens se hâta de chercher des tasses et d’empoigner sa cafetière. Sachant que là-dedans le café bouillottait doucement depuis des heures, Aldo recommanda son âme à Dieu et trempa ses lèvres dans le breuvage qu’il additionna de cassonade. Moyennant quoi, il l’avala d’un trait et le déclara délicieux.
— Avant de vous quitter, je voudrais vous poser une question, Madame : connaîtriez-vous les dernières dames attachées au service de Sa Majesté à l’époque de son décès ?
— Non. S’il arrivait qu’on me demande au château pour aider, et ce n’était pas souvent, alors j’avais seulement affaire à M me Moreau, Marie Moreau, la femme de chambre particulière de l’impératrice, mais elle est partie avec les autres quand on a fermé le château…
— Et vous n’avez pas son adresse ? Ni celle d’aucune de ses compagnes…
— Non. Je suis désolée.
— Ne le soyez pas ! C’est sans importance et je vous remercie, vous et votre mari, du bon moment que je viens de passer…
Il ne mentait pas, ayant apprécié l’accueil et la gentillesse de ces braves gens. Il se sentait tout de même un peu perdu. Où chercher la boîte à éventail truquée ? Eva Reichenberg avait dit que l’impératrice en avait une quantité. Dieu
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