le collier sacré de Montézuma
l’abandonner dans ce… ce charnier ! Vous avez vu cette abomination ?
— Oh, j’ai vu ! Mais il faut que les choses demeurent ainsi pendant encore quelque temps. Je vous en expliquerai la raison mais pas ici. Allez, je vous emmène…
— Essayez de comprendre, renchérit Vidal-Pellicorne. Si la police est prévenue, on risque de déclencher d’autres catastrophes. Il faut nous faire confiance et, puisque vous savez qui nous sommes, cela ne devrait pas vous être trop difficile !
Le jeune homme se leva, regarda chacun d’eux, tira son mouchoir pour essuyer une dernière larme et trouva même une ébauche de sourire :
— Pardonnez-moi ! Je vais avec vous…
Ce qui était merveilleux dans la maison du parc Monceau, c’est que l’on pouvait y débarquer à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, on trouvait toujours quelqu’un prêt à vous écouter, à vous réconforter. Il devait être un peu plus de trois heures du matin mais, dix minutes environ après y avoir fait son entrée, François-Gilles Faugier-Lassagne se retrouvait assis au milieu des plantes vertes et en face d’une vieille dame en robe de chambre de velours parme et « fanchon » de dentelles gonflé comme une montgolfière par une abondante chevelure argentée et qui posait sur lui un regard vert étonnamment jeune et plein de sympathie. Était apparue une demoiselle d’âge certain coiffée de cheveux jaunes et frisés, enveloppée d’un peignoir en laine des Pyrénées rose assorti au ruban qui maintenait sa toison semblable à celle d’un mouton. Celle-là était grande et maigre, arborant un long nez fureteur et des yeux de couleur indéfinissable. Suivie d’un vieux maître d’hôtel en gilet rayé et charentaises à carreaux portant un plateau chargé de tasses et de tartines, elle tenait d’une main une chocolatière d’argent et de l’autre une cafetière armoriée. Le plus étonnant était que le jeune homme se trouvait si bien dans cette espèce de serre où flottait une odeur d’oranger qu’il se sentait tout naturellement porté aux confidences – pour la première fois de sa vie ! – sans plus d’envie d’en bouger.
— Mon histoire, ou plutôt celle de ma mère, est simple et, je le crains, assez dépourvue d’originalité. Une jeune fille de l’aristocratie lyonnaise peu argentée, mariée par convenances à un haut magistrat plus âgé qu’elle mais fort riche. Après deux ans de mariage… improductif, elle rencontra au cours d’une chasse un jeune mais déjà renommé antiquaire parisien de belle mine et de belle prestance. Tous deux furent victimes d’un coup de passion qu’avec une chance incroyable ils réussirent à cacher à leur entourage. Ma mère a toujours considéré cela comme un miracle, tant la haute société lyonnaise où n’accèdent que les grands « soyeux », la noblesse et autres personnalités de haut vol, est attentive – je dirais jour et nuit ! – à l’observation de ceux qui en font partie.
— Ce n’est pas spécifique à la capitale des Gaules, remarqua Tante Amélie. Vous en trouverez autant – aux « soyeux » près – à Lille, à Rennes, à Toulouse, à Bordeaux ou à Marseille ! Que voulez-vous, dès l’instant où l’on a trop d’argent, trop de domestiques et rien à faire, il faut bien trouver des moyens de se distraire ! Ensuite ?
— En dépensant pas mal d’argent et grâce à la complicité compréhensive de ma grand-mère maternelle qui détestait son gendre et ne s’en cachait guère ainsi que du parrain de ma mère, les amoureux ont réussi à arracher les rares moments d’un de ces bonheurs qu’on ne vit qu’une fois, et puis Maman s’est retrouvée enceinte et il a fallu se séparer. Non sans peine : mon père… je veux dire Gilles Vauxbrun, voulait qu’elle divorce afin de l’épouser mais c’eût été aller au-devant d’un énorme scandale doublé de l’éviction de l’Église qui eût mis ma mère au ban de la société…
— Elle aurait vécu à Paris. Cela changeait tout, dit Aldo.
— Cela ne changeait rien du tout ! reprit la marquise. À Paris comme à Londres, Rome, Madrid ou Tombouctou, on ne reçoit pas une femme divorcée et le remariage s’apparente alors au concubinage… Il aurait été salutaire que le mari consente à quitter cette vallée de larmes…
— Malheureusement, le président Faugier-Lassagne dont je porte le nom jouissait d’une santé de fer, même
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