le collier sacré de Montézuma
meubles et œuvres d’art qui composaient naguère encore le salon, prouvant ainsi qu’il avait dû y venir plus d’une fois.
— Mais enfin, qui êtes-vous ? s’impatienta Adalbert.
— Excusez-moi ! J’aurais dû me présenter, fit l’étrange garçon avec un sourire en demi-lune. Je m’appelle Faugier-Lassagne, substitut du procureur au parquet de Lyon.
S’il pensait faire son effet, c’était réussi.
— Ah, bon ! émit Aldo. Et c’est à la faculté de droit que l’on apprend à ouvrir les portes fermées et à visiter de nuit les maisons dont les propriétaires sont absents ?
— Non. Je le devrais plutôt à la fréquentation des prisons, mais j’avoue que c’est un modeste talent dont je suis assez satisfait. Au fait, je ne vous demande pas de vous présenter. Vous, vous êtes le prince Morosini et vous, son autre lui-même, M. Vidal-Pellicorne, égyptologue distingué.
Et comme ils le considéraient sans rien trouver à dire, il ajouta :
— Je vous ai vus plusieurs fois en photo. Et je dois préciser que mon prénom est François-Gilles : je suis le filleul de M. Vauxbrun.
— Par tous les saints du Paradis, pourquoi ne m’a-t-il jamais parlé de vous ? s’étonna Aldo.
— Oh… j’étais en quelque sorte son jardin secret. Nous nous écrivions et je venais le voir de temps en temps.
— … et il allait vous voir à Lyon ! compléta Aldo dont le regard s’attachait à ce visage venu de nulle part et qui, cependant, lui semblait devenu curieusement familier.
— Le moins possible ! Il… il était fâché avec mon père et vous savez comme nous sommes, nous autres Lyonnais ? Un peu rancuniers !… À présent, j’aimerais continuer d’explorer ce… désert ?
— Si vous le voulez bien, nous allons effectuer cette opération de concert…
On parcourut ainsi le rez-de-chaussée, le premier et le second étage. C’était partout le même vide, le même abandon, les mêmes papiers froissés mêlés à de la paille. Morosini en aurait pleuré de rage en passant une main sur les rayons vides de la bibliothèque où s’étaient alignées la collection havane et or des œuvres ayant appartenu au duc d’Orléans, le prince régicide, ou celle de la princesse de Lamballe, l’amie massacrée de Marie-Antoinette, tous ouvrages frappés à leurs armes… Dans la chambre de l’antiquaire, le coffre-fort, installé dans un mur et sous un portrait d’enfant de Greuze, bâillait, largement ouvert sur le vide…
— Que cette femme ait tous les droits, j’en conviens, ragea Aldo, furieux. Mais il ne me semble pas cependant qu’elle ait aussi celui de livrer la maison aux vandales ! Qu’en pensez-vous, Monsieur Faugier-Lassagne, vous qui êtes juriste ?
— Pareil que vous. C’est une honte mais on n’y peut rien.
— Ne croyez-vous pas qu’on en a assez vu ?
— Non. Je veux tout voir. Y compris les sous-sols !
Par extraordinaire, la cuisine et l’office étaient intacts.
On n’avait enlevé ni l’une des étincelantes casseroles de cuivre, ni une petite cuillère, ni même les pots de faïence contenant le sel, la farine, le café. Des tasses dont on s’était servi étaient même restées sur la longue table de chêne. Adalbert pencha dessus un nez curieux mais s’abstint d’y toucher :
— Je me demande si l’on ne devrait pas les porter à Langlois pour qu’il relève les empreintes digitales. Ceux qui ont fait tout ce beau travail ne sont sûrement pas des déménageurs patentés.
Il y avait également des verres sales et les cadavres de trois bouteilles de chambertin.
— Allons voir ce qu’ils ont laissé dans la cave ! Vauxbrun en était justement fier…
Mais là aussi, c’était le même spectacle de désolation. Sous les belles voûtes rondes d’un ancien cellier, les casiers de briques étaient inoccupés. On n’avait pas non plus oublié les tonnelets. Il ne subsistait qu’une grosse barrique. Sans doute parce qu’elle était à sec ou presque, le robinet de la bonde, ouvert, ayant laissé dégoutter une flaque rougeâtre.
Les trois hommes parcoururent les deux caves identiques, et celle où l’on entreposait les bouteilles vides et le matériel du sommelier. Au fond se trouvait une porte de fer à demi cachée par un porte-bouteilles en forme de hérisson permettant le séchage après lavage.
— Qu’est-ce qu’il peut y avoir là-dedans ?
— Je ne sais pas, dit le jeune substitut. Je n’ai
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